Le plan du ministère de la Culture est plein de bonnes intentions mais à l’effet limité compte tenu des moyens alloués.
Paris. Rachida Dati pensait tenir avec son initiative sur la culture dans les zones rurales un trophée pour marquer son passage Rue de Valois. Lancé en janvier 2024, le « Printemps de la ruralité » est cependant devenu « l’été de la ruralité » puisque la dissolution et les élections législatives anticipées l’ont forcée à attendre le 11 juillet pour le présenter, soit une période peu favorable pour capter l’attention des médias et du public.
Tout était pourtant allé très vite après l’annonce de la « grande concertation nationale » : une plateforme numérique pour déposer des contributions, un rapport commandé à l’Inspection générale du ministère, quelques rencontres-débats et un sondage. Ce sondage, auprès des habitants dans les zones rurales, vient confirmer ce que toute personne vivant à la campagne, soit 22 millions de Français selon le rapport – sans compter les habitants des grandes villes dont les Parisiens du VIIe arrondissement qui ont un pied au vert – savent déjà. Les principaux freins à la participation aux événements culturels sont la méconnaissance de ce qui se passe, le prix trop élevé des billets, l’éloignement et une faible attractivité de l’offre.
Rachida Dati s’est attaquée à ce défi gigantesque qu’est la culture dans les zones rurales en commençant par poser « qu’il n’y a pas de désert culturel », ce qui revient à proscrire toute idée de construction de nouveaux équipements. Le voudrait-elle que ce serait impossible puisque le plan est doté d’un budget de 98 millions d’euros sur trois ans, soit 1,5 € par habitant et par an. Autant dire pas grand-chose et cela fait douter de l’efficacité d’un plan qui multiplie les mesures (23) pour masquer la faiblesse des moyens budgétaires.
Il y a pourtant plein de bonnes idées dans ces mesures, mais la plupart du temps elles ne sont pas chiffrées ou quand elles le sont, la dotation paraît dérisoire en regard des enjeux. Ainsi, avec bon sens, le plan s’appuie d’abord sur les acteurs et événements locaux. Il propose d’aider (entre 1 000 et 7 000 €) 1 000 fêtes locales alors qu’il y a 30 fois plus de communes concernées. Il propose également de soutenir financièrement les festivals en milieu rural mais cette fois sans indiquer de montant alloué. Il veut créer 50 « scènes culturelles de proximité » portées par des associations locales qui disposeront d’un nouveau label intitulé « Éducation populaire pour la culture ».
Les auteurs du plan ont passé en revue toutes les structures existantes en lien avec la culture et le patrimoine dans ces territoires et conçu pour chacune d’elles un dispositif plus ou moins élaboré. D’abord les plus visibles : les monuments historiques si nombreux en zones rurales. Le ministère voudrait les ouvrir davantage à la visite mais ne propose que de maintenir les aides fiscales des propriétaires privés et de développer une offre de formation et de conseil auprès de ces propriétaires, sans vraiment entrer dans les détails. Des dispositifs directs ou indirects (tels ceux de La Fondation du Patrimoine) existent déjà et depuis longtemps pour restaurer les monuments historiques ; pour autant une mesure inédite forte aurait été bienvenue pour donner un nouvel élan dans ce qui est, bien souvent, le seul « équipement » culturel en zone rurale.
Comme bien souvent il n’y a pas de salles de spectacles, de cinémas ou de musées, le plan cible des lieux alternatifs : les librairies rurales en les incitant (sans dire comment) à développer des animations, les marchands de journaux (pourquoi les marchands de journaux ?) qu’il veut aider à moderniser, les établissements d’enseignement agricole (il y en a tant que cela ?) dans lesquels il suggère d’ouvrir des centres culturels…
Par moments, le plan semble un peu hors-sol, un peu « parisien ». Ainsi, il voudrait développer les artothèques alors que le sondage (et le bon sens) ne relève pas que les habitants tiennent absolument à louer des œuvres d’art pour les accrocher dans leur salon. Plus loin, il propose d’organiser une cérémonie nationale annuelle pour célébrer les inscriptions de l’année précédente dans le peu connu inventaire national du patrimoine culturel immatériel ; il y a 534 éléments – les carnavals locaux, des savoir-faire spécifiques. Pour mieux faire connaître l’offre culturelle locale, il relance une idée qui est dans les cartons depuis bien longtemps : ouvrir le Pass culture à tous (pour les possesseurs de smartphone). Ayant remarqué que les architectes sont peu présents dans les zones rurales, il veut les inciter à le faire, supposant qu’il y a un marché suffisant pour cela (à démontrer). Enfin, tarte à la crème de tout plan culturel d’aujourd’hui : développer les résidences d’artistes dans les campagnes.
En revanche, le plan répond peu ou pas du tout aux préoccupations des habitants sondés : le prix des billets et l’éloignement des activités culturelles. Tout au plus, s’agissant de l’éloignement, il veut « accompagner les collectivités dans la mise en place d’offres de mobilité vers les événements et équipements culturels dans leur diversité », sans bien expliquer ce que « accompagner » veut dire. De manière générale, le plan repose beaucoup sur un soutien accru des directions régionales des Affaires culturelles (par exemple l’embauche de nouveaux architectes des bâtiments de France), ce qui apparaît comme une promesse de Gascon compte tenu du sous-effectif actuel des Drac et des contraintes budgétaires à venir. Il est plus bravache et exigeant lorsqu’il s’agit de solliciter les opérateurs de la culture. Chaque opérateur national (musée, théatre national...) est dorénavant tenu de déployer une stratégie territoriale qui comptera dans l’évaluation de son dirigeant. Les musées nationaux sont même comptables de « cinq à dix nouveaux partenariats par an » soit 300 à 600 nouveaux par an. Hum hum, on demande à voir. Le Centre national du cinéma (CNC) est enjoint de changer de « paradigme » et d’augmenter son aide aux circuits itinérants et aux festivals. À suivre également.
Un acteur important n’est pas mentionné dans le plan : les offices du tourisme. Ce sont pourtant eux qui recensent et font connaître l’offre culturelle dans leur région, en particulier dans les zones rurales qui accueillent de plus en plus de vacanciers et pas simplement en été. Si les touristes sont les premiers destinataires de leurs brochures et dépliants, les habitants le sont aussi tout naturellement. Le Pass culture, c’est branché, mais le prospectus reste encore le support d’information le plus adapté.
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Un plan culture et ruralité sous-doté
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°638 du 6 septembre 2024, avec le titre suivant : Un plan culture et ruralité sous-doté