Près de cinq mois après son arrivée très remarquée rue de Valois, on commence à mieux cerner le style de Rachida Dati : elle privilégie la forme au fond. Ce n’est pas neuf en politique mais à ce point c’est du grand art.
En bonne communicante, Rachida Dati marque d’emblée son territoire – la culture dans les zones rurales – avec une formule choc : « Je nous donne deux mois pour [changer]. » Trois mois après, on attend toujours le nom des personnalités qui vont porter cette politique et organiser des assises. Puis elle annonce fièrement qu’une solution a été trouvée pour le pavillon des Sources qui sera déplacé pierre à pierre, avant de revenir cette fois mezza voce sur sa décision sans pour autant expliquer la solution trouvée.
Mais même les meilleurs communicants ont des ratés, surtout quand ils sont sans retenue, ce qui est le cas de la nouvelle ministre. Elle a souvent du mal à masquer le fond de sa pensée, comme pour les écoles d’art dont elle envisage la fermeture de certaines ou pour l’archéologie préventive (« On ne va pas creuser un trou pour creuser un trou »). À chaque fois, son cabinet est obligé de « ramer » pour expliquer que « non, la ministre n’a pas vraiment voulu dire cela ».
Dans le fond, les dossiers avancent peu. Deux exemples parmi d’autres. Elle a accepté sans sourciller la coupe de 200 millions d’euros dans son budget. La troisième loi sur les restitutions d’objets d’art « dans un contexte colonial » est oubliée depuis que le Conseil d’État a retoqué les motifs de demande de restitution. La ministre est peu désireuse de monter au créneau sur une loi où elle n’a que des coups à prendre, y compris dans son propre camp (ou plutôt son ancien camp). « Les LR la détestent depuis qu’elle les a trahis », s’en amuse le sénateur (communiste) Pierre Ouzoulias. Elle préfère s’emparer et faire avancer à marche forcée la réforme de l’audiovisuel public : les salariés de Radio France et France TV y sont opposés, mais le grand public s’en moque. Comme il se moque (pour l’instant ?) de la mise en examen de la ministre dans l’affaire Carlos Ghosn.
Tout se passe comme si après avoir choyé le monde de la culture, Emmanuel Macron avait pris acte que l’enjeu électoral ne se situait pas dans ce petit milieu qui, de toute façon, ne l’aime pas, mais auprès du public populaire qui adore sa ministre gaffeuse, un peu midinette, beaucoup gouailleuse et terriblement star. La preuve : elle est donnée gagnante à la Mairie de Paris.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le style Rachida Dati
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°634 du 24 mai 2024, avec le titre suivant : Le style Rachida Dati