MEXICO / MEXIQUE
Organisée à Mexico, et en présence de la Russie, la conférence Mondiacult 2022 a balayé large : écologie, régulation numérique, restitutions, inclusion...
Mexico. C’était en 1982, à Mexico : 126 pays membres de l’Unesco se réunissaient pour dresser le bilan des politiques culturelles depuis la conférence vénitienne de 1970, qui jetait les bases du « patrimoine mondial ». À cette occasion, la notion de « patrimoine immatériel » était apparue pour la première fois de manière officielle et nourrissait la définition adoptée par les participants de cette première conférence nommée « Mondiacult ». Non contraignant, le texte a abouti quelques années plus tard à l’adoption d’une convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, qui engageait les pays signataires.
Quarante ans après, l’Unesco espérait obtenir les mêmes effets avec la seconde conférence Mondiacult 2022, également tenue à Mexico du 28 au 30 septembre. Mais quatre décennies se sont écoulées et les enjeux mondiaux ont changé. La déclaration adoptée à l’unanimité par les 161 délégations réunies au Mexique témoigne des nouvelles préoccupations qui touchent le monde de la culture. Le climat s’invite ainsi dans le texte final, qui souligne « l’importance d’intégrer le patrimoine culturel et la créativité dans les discussions internationales sur le changement climatique ». Le patrimoine, culturel ou immatériel, est ici vu comme une victime potentielle du changement climatique, plutôt que comme un levier de sobriété énergétique. Il s’agit également de se demander comment les industries créatives peuvent être décarbonées, sans que leur mise en œuvre au service d’un imaginaire durable soit empêchée. À ce titre, les états signataires attendent de l’Unesco des directives opérationnelles.
Nouvel enjeu, la réglementation des plateformes numériques est également mentionnée dans cette déclaration, qui pose les premières pierres d’une coopération internationale : le dessein d’une régulation des géants numériques du divertissement (Netflix, Spotify, etc.) poursuit l’objectif d’une juste rémunération des créateurs, d’un accès équitable au marché culturel, et d’une sauvegarde de la diversité culturelle, confrontée à quelques modèles hégémoniques dominant ces plateformes.
Les 161 pays se sont également mis d’accord sur un accroissement des « efforts pour promouvoir la protection, le retour et la restitution de biens culturels, y compris à travers une consultation des populations concernées et avec le consentement libre, préalable et éclairé de celles-ci », engageant ici une harmonisation des pratiques et législations de restitution à l’échelle mondiale.
Ce dernier point s’inscrit dans l’engagement partagé par les États signataires à défendre les « droits culturels » au sein de leurs frontières : ceux-ci recouvrent « l’accès inclusif à la culture » (que l’on appelle en France « démocratisation culturelle »), les conditions de travail des artistes et leur statut, la liberté de création, la diversité culturelle et la protection des cultures autochtones. Ces « droits culturels » vont de pair avec la déclaration de la culture comme « bien public mondial », point phare du texte adopté. À l’instar de la biodiversité, de la qualité de l’air ou de la santé, la culture devient un bien partagé par l’humanité, dont l’accès doit être garanti par les États et facilité par la coopération internationale.
Pour ce faire, la déclaration du 30 septembre invite l’ONU à ajouter la culture aux dix-sept objectifs de son programme de développement durable. Elle fixe également rendez-vous aux 161 pays signataires tous les quatre ans, afin d’évaluer l’évolution des politiques culturelles, et ce dès 2025 : « Une sorte d’assemblée générale de la culture, comparable à l’assemblée générale de l’ONU », explique un organisateur de la conférence.
La lutte contre le trafic illicite est affirmée dans le texte comme l’un des objectifs prioritaires des États membres de l’Unesco. Mondiacult 2022 marque une avancée dans ce domaine, affirmant la nécessité de prendre toutes les précautions dans l’acquisition d’objets sans provenance avérée, « en renforçant la codification du certificat d’origine des biens culturels ». « Cet accent mis sur les biens à provenance non avérée invite à protéger les sites archéologiques encore vulnérables car non classés, afin de prévenir les fouilles illégales et les pillages », souligne Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco.
Ayant réuni autant de délégations malgré les conflits actuels, l’Unesco considère cette large participation comme un succès : des États aux vues diamétralement opposées sur les questions de liberté d’expression ou de protection des minorités culturelles se sont rassemblés à Mexico. « Notre travail est de faire vivre un espace de dialogue entre les États. La culture, en tant que bien public mondial dépasse les différends géopolitiques », justifie un cadre de l’Unesco. Se faisant le porte-parole de 48 pays, le ministre de la Culture lituanien a profité de cet espace de dialogue pour rappeler à l’attention des participants les dommages sur le patrimoine ukrainien causés par la Russie – présente à Mexico – et constatés par l’Unesco.
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La culture, un « bien public mondial » selon l’Unesco
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°596 du 7 octobre 2022, avec le titre suivant : La culture, un « bien public mondial » selon l’Unesco