PARIS
Un rapport sur le patrimoine culturel immatériel relève que ses objectifs sont mal compris des décideurs comme du public. Et recommande des actions de pédagogie et de médiatisation.
Paris. Une fois par an, le patrimoine culturel immatériel (PCI) connaît un éclairage médiatique avec la session du Comité intergouvernemental de l’Unesco et l’inscription de nouvelles pratiques sur la liste internationale. En 2020, ce sont les savoir-faire liés au Couscous par des pays du Maghreb qui ont fait les gros titres. Mais au-delà de ces annonces insolites, sait-on vraiment ce qu’est le PCI ? Un rapport du Sénat publié en mai répond par la négative.
Les sénatrices Catherine Dumas (LR) et Marie-Pierre Monier (PS) pointent en premier lieu une mauvaise compréhension des enjeux du PCI par les collectivités, le public et même des porteurs de candidature à l’inscription. La définition est pourtant établie par la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, ratifiée en 2003 par les États parties. La Convention considère comme patrimoniale une pratique vivante, transmise sur plusieurs générations et « recréée en permanence par les communautés » : il ne s’agit pas de préserver un état historique, comme l’exigerait le patrimoine bâti, mais de faire perdurer une pratique dans une forme adaptée au monde moderne. L’élément moteur de sa préservation est la transmission.
« La méconnaissance du PCI trouve sans doute […] son origine dans l’usage du vocable “immatériel”, qui apparaît peu intelligible », supposent les autrices du rapport. Pour mettre l’accent sur l’aspect contemporain du PCI, et sa transmission, le Sénat privilégie l’expression de « patrimoine vivant ». Cet ajustement sémantique ne suffira pas seul à éclaircir les confusions ancrées décrites dans le rapport. Les enjeux du PCI sont ainsi souvent confondus avec ceux du patrimoine mondial. Or le PCI n’a pas une valeur universelle exceptionnelle, à l’inverse de la Liste du patrimoine mondial, qui sélectionne les témoignages les plus remarquables du patrimoine bâti ou naturel.
Le PCI vise à la promotion de la diversité, en conformité avec les principes de la Charte internationale des droits de l’homme. En ce sens, la liste de l’Unesco veille à ne pas devenir un outil mercantile : cette conception commerciale est parfois à l’origine de certaines demandes d’inscription. La liste du PCI mondial n’est pas non plus un label. L’inscription constitue seulement une incitation à mettre en place une stratégie de sauvegarde de la pratique.
Au-delà des idées erronées sur ses objectifs, le rapport relève la mauvaise visibilité du PCI, alors même que le patrimoine bâti n’a jamais été aussi populaire. La liste française demeure méconnue du grand public, et souvent considérée, à tort, comme une antichambre de l’Unesco. La participation du public étant un vecteur de préservation du patrimoine, il importe de diffuser cette liste auprès du plus grand nombre.
Les collectivités locales également ne connaissent pas, ou peu, la politique patrimoniale du PCI, dont elles sont pourtant un élément moteur. La publication d’un vade-mecum à l’attention des collectivités est donc fortement recommandée. Les sénatrices souhaitent aussi implanter un référent ethnologue chargé du PCI dans chaque direction régionale des Affaires culturelles – seules quatre régions en disposent. Le rapport enjoint le ministère de la Culture à faire figurer le terme de « PCI » dans le nom du département qui en est chargé. La collaboration avec les musées et monuments est également encouragée, afin d’annuler la rivalité entre les deux types de patrimoine. Le travail du Mobilier national ou de la Cité de la tapisserie d’Aubusson est à ce titre cité comme exemplaire.
Pour sensibiliser les jeunes aux enjeux du PCI, les sénatrices souhaiteraient voir intégrer le patrimoine vivant à l’éducation culturelle et artistique. Le grand public pourrait quant à lui s’en emparer grâce à des événements : « Journées du PCI », année anniversaire en 2023, ou une émission diffusée en prime time sur le service public, sur le modèle du « Monument préféré des Français ».
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Le Sénat préfère « patrimoine vivant » à « patrimoine immatériel »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Le Sénat préfère « patrimoine vivant » à « patrimoine immatériel »