FRANCE
Sujet consensuel par excellence, le patrimoine ne bénéficie cependant pas de la même attention selon que les candidats sont de droite ou de gauche.
France. À mesure que s’améliore la situation sanitaire, de nouveaux thèmes de débat peuvent enfin trouver place dans la campagne électorale : le pouvoir d’achat, la situation dans les maisons de retraite, la tension avec la Russie à propos de l’Ukraine… L’approche de l’élection incite les candidats à publier leur programme et non plus se contenter de profiter de leur passage dans les « matinales » pour distiller leurs annonces.
C’est ainsi que Fabien Roussel, le candidat du parti communiste (PCF) a rendu public cent quatre-vingts propositions dont un certain nombre concerne la culture. Il souhaite en particulier élargir le périmètre du ministère de la Culture à l’action culturelle extérieure et l’éducation populaire et, comme Jean-Luc Mélenchon (LFI), porter le budget de la culture à 1 % non pas du budget de l’État mais du PIB, soit 25 milliards d’euros. Le PCF ne fait cependant pas référence nommément au budget de l’État et parle « d’intervention publique », une expression très vague qui pourrait comprendre aussi les budgets de la culture des collectivités locales ; si tel était le cas, on commencerait à s’approcher un peu de la réalité. Le document ne craint pas d’affirmer que cela représenterait une hausse de 30 % par rapport à aujourd’hui.
On espérait que Yannick Jadot, le candidat vert (EELV), parle un peu de culture lors de la présentation de son programme à Lyon le 29 janvier, mais il n’en a rien été, l’accent étant mis sur les mesures pour une « république écologique et sociale ». Toujours rien également du côté de Marine Le Pen (RN) et Éric Zemmour (Reconquête). On se doute cependant qu’ils ne peuvent qu’être favorables à la protection du patrimoine, objet de cette chronique.
Car le patrimoine est un marqueur politique. Si, dans l’ensemble, il fait l’objet d’un consensus trans-partisan – aucun candidat ne se risquerait à suggérer une pause ou un abandon de la protection de nos vieilles pierres, ce qui n’est pas le cas pour, par exemple, le soutien à la création –, c’est dans le non-dit que l’on devine les partis pris des uns et des autres. À gauche, Yannick Jadot n’en souffle pas un mot, si ce n’est pour vouloir doubler le nombre d’éoliennes, dont on sait qu’elles irritent les défenseurs du patrimoine, tandis que le programme du PCF n’emploie le terme que pour désigner les actifs financiers.
Toujours à gauche, Jean-Luc Mélenchon, lui aussi ne s’intéresse pas du tout aux sites patrimoniaux, mais a des idées bien arrêtées sur les prix d’entrée dans les musées, que l’on évoquera dans une prochaine chronique. Anne Hidalgo promet de son côté qu’« une politique ambitieuse de préservation et de valorisation du patrimoine sera déployée », sans autres précisions.
C’est à droite que les mesures sont un peu plus concrètes. Discours martial pour Valérie Pécresse qui « décrétera une mobilisation générale pour le patrimoine, à l’instar de ce que [elle a] fait en triplant les aides au patrimoine dans ma région ». Doit-on en conclure qu’elle va tripler les crédits d’État du patrimoine ? Sans doute pas car, dans son programme, elle compte sur une modification de la loi sur le mécénat pour « permettre aux entreprises locales et aux Français de s’impliquer davantage dans la préservation de notre patrimoine ».
À défaut de programme, c’est dans son dernier livre (La France n’a pas dit son dernier mot) qu’Éric Zemmour pense qu’« il faut retrouver l’élan de Mérimée et Viollet-le-Duc et celui de Malraux dans les 1960 ». Passons rapidement sur les mesures en ce domaine de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) qui n’a pas mis à jour son programme de 2017 (il propose de créer « un tirage de loto lors des Journées du patrimoine : le produit viendra accompagner les actions en faveur du patrimoine », oubliant que cela a été fait) pour jeter un coup d’œil sur les propositions de François Asselineau (UPR, un petit parti souverainiste). Il veut multiplier par dix (rien que cela) les « fonds destinés aux grands projets de restauration historique » et par huit « les fonds destinés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques ». Plus téméraire encore, il veut créer trois musées nationaux thématiques à commencer par un Musée national Léonard de Vinci à Chambord où sera transférée… La Joconde !
Le « manifeste » des Gracques pour anticiper le programme d’Emmanuel Macron
Lobbying. Emmanuel Macron (LRM) ne s’est pas encore déclaré candidat. L’occasion de lire Le Manifeste de la dernière chance, publié récemment par les Gracques. Car, derrière ce nom, se cachaient en 2007, un groupe de hauts fonctionnaires socialistes. Mais depuis, les auteurs se réclament d’un courant social-libéral plutôt proche de l’actuel président. Le chapitre 37 consacré à la culture énumère plusieurs mesures, fruits de l’influence de leurs auteurs et que l’on pourrait retrouver dans le programme d’Emmanuel Macron. On devine ainsi la main d’Éric Orsenna dans la proposition qui consiste à faire des bibliothèques des lieux de pratiques artistiques. Tout aussi hardis, les Gracques veulent « répliquer » le projet Démos dans la photographie et les arts visuels. Démos, porté par la Philharmonie de Paris, soutient la constitution d’orchestres avec des enfants de 7 à 12 ans dans des quartiers défavorisés. Les auteurs du « Manifeste » veulent également transférer plusieurs opérateurs du ministère de la Culture aux collectivités locales (sans les citer). Un peu brouillés avec les chiffres, ils proposent d’augmenter le budget de la culture du plan de relance post-Covid de 2 millions d’euros à « 6 millions d’euros au moins », alors que le plan de relance est de 2 milliards et non 2 millions d’euros.
Jean-Christophe Castelain
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La culture en campagne (3/7)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°582 du 4 février 2022, avec le titre suivant : La culture en campagne (3/7)