Réunis à Delphes, pour la célébration du 50e anniversaire de la Convention de l’Unesco, les États membres se sont entendus pour un rééquilibrage géographique, au profit de l’Afrique, et la prise en compte des effets du réchauffement climatique et du surtourisme sur le patrimoine.
Delphes (Grèce). Pour fêter les cinquante ans de la Convention du patrimoine mondial, l’Unesco avait initialement prévu une grande conférence « pour les cinquante prochaines années » à Florence. Au terme d’une année agitée pour l’organisation, ce grand raout italien – décalé finalement au printemps 2023 – a laissé place à un rendez-vous plus technique, tenu à Delphes les 17 et 18 novembre derniers. Tirant un bilan critique de ces cinquante premières années, les maîtres mots de la conférence étaient « résilience », « durabilité » et « communautés ».
En ouverture de ces deux jours, la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay, a rappelé quelques faits : « Un site sur cinq du patrimoine mondial, un tiers des sites naturels, voient aujourd’hui la menace du réchauffement climatique comme une réalité, comme l’a montré une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Plus dramatique encore, en Méditerranée, la moitié des sites côtiers sont menacés par la montée des eaux selon une étude de la revue “Nature”. » Les bouleversements climatiques, ainsi que le surtourisme, sont les dangers les plus imminents identifiés par l’Unesco pour la préservation des biens du patrimoine mondial. Après ce préambule, c’est la représentativité des biens inscrits sur la fameuse liste qui a été citée par la directrice générale comme le premier enjeu des prochaines années.
À l’image de la COP 27 qui s’achevait alors à Charm el-Cheikh, le seul aboutissement concret des discussions de Delphes concerne le rééquilibrage des forces en faveur des pays du Sud, sous-représentés sur la Liste, et surexposés aux risques climatiques. « L’Afrique compte cent trente-neuf sites du patrimoine mondial, soit 12 % du total de la Liste. Douze des vingt-sept pays membres de l’Unesco sans sites inscrits sont africains. Des cinquante-deux sites inscrits sur la Liste du patrimoine en péril, 40 % se situent en Afrique »,énumérait Lazare Eloundou Assomo, directeur du patrimoine mondial. Premier Africain accédant à ce poste, l’architecte camerounais avait fixé cette priorité pour le continent dès sa nomination fin 2021. Une année plus tard, il livre les contours de sa stratégie, qui fera l’objet d’une publication avant la fin de l’année.
Cette stratégie repose sur la formation de professionnels du patrimoine, la représentation accrue des experts africains au sein de l’Unesco et de ses organes consultatifs, et s’appuie sur des partenaires comme le Fonds pour le patrimoine mondial africain. Le cap fixé par Lazare Eloundou Assomo est également chiffré : augmenter de 20 % les biens inscrits sur le continent, avec pour priorité les douze pays encore non représentés sur la Liste et cinquante experts formés pour la gestion des sites. « Il a été estimé que, pour atteindre ces objectifs en 2029, nous aurions besoin de lever 27 millions de dollars », annonçait le directeur du patrimoine mondial. Mise sur les rails par l’« appel de Yaoundé », signé le 19 octobre dernier par les ministres africains chargés du patrimoine, cette stratégie concerne surtout l’Afrique subsaharienne. Ainsi, Maria Edjoa, directrice du patrimoine culturel camerounais rappelait que « l’Afrique centrale est la dernière sous-région en matière de représentativité, avec 1,13 % des biens, et la première en matière de biens en périls, avec cinq sites ».
À l’inverse du cap fixé pour l’Afrique, le réchauffement climatique comme le surtourisme n’ont pas reçu d’objectifs clairs. De la table ronde climatique, est ressortie la nécessité d’une prise en compte des risques mixtes (« compounds events »), associant plusieurs événements climatiques, comme un orage et une vague de chaleur, dans les plans de gestion des sites. Si le sujet du patrimoine comme victime des désordres climatiques était bien établi, celui du patrimoine comme source d’inspiration pour la nécessaire adaptation aux changements était, elle, évoquée en pointillé.
Des longues présentations consacrées au surtourisme, aucune ne s’est risqué à évoquer la réduction possible du nombre de voyageurs. Absente de la Convention du patrimoine mondial, la question du tourisme fait depuis peu l’objet d’un programme au sein de l’Unesco. Son responsable, Peter Debrine, faisait valoir l’idée d’un tourisme d’expérience, dans un discours ressemblant étrangement aux campagnes marketing des grandes plateformes de type Airbnb, et dont on peine à comprendre l’intérêt pour la préservation des sites du patrimoine mondial. « La convention est-elle le bon moyen de répondre à ces enjeux ? », se demandait-il, invitant simplement les gestionnaires de biens inscrits à inclure le tourisme dans leur plan de gestion.
Une volonté de convergence entre la Convention du patrimoine mondial et ses déclinaisons – la Convention pour le patrimoine culturel immatériel, celle sur le patrimoine subaquatique, ou sur le trafic de biens culturels – a été exprimée pour renforcer l’action, plus que jamais fragilisée, de l’Unesco dans le domaine patrimonial.
C’est peut-être finalement l’intervention remarquée d’Ali Benmakhlouf, professeur de philosophie à l’université Paris-Est, qui a tracé un véritable chemin pour les cinquante prochaines années : « L’Unesco peut jouer un rôle de lanceur d’alerte. C’est le rôle du débat public, qui doit être favorisé par une instance internationale comme l’Unesco, de construire une opinion qui fasse pression sur les décideurs politiques. »
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Convention de l’Unesco : l’Afrique au centre des attentions
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°600 du 2 décembre 2022, avec le titre suivant : Convention de l’Unesco : l’Afrique au centre des attentions