PARIS
Portés par un marché qui a soif de renouvellement, des artistes comme André Cadere, Arthur Siegel, Henry Valensi ou Alina Szapocznikow reviennent en force sur certains stands de la foire.
Depuis quelques éditions, la Fiac affiche sa volonté de participer à la redécouverte d’artistes qui ont pu être oubliés, un temps, par l’histoire de l’art ou dont le travail artistique n’est pas connu dans sa globalité ; c’est le cas par exemple d’Hervé Bize qui, en montrant sur son stand André Cadere (1934-1978), ne fait certes pas redécouvrir un plasticien, dont « l’œuvre prospective n’a cessé de connaître une attention soutenue », dixit l’exposant, mais permet de reconsidérer toute l’étendue de sa démarche : à côté de ses œuvres très identifiables (les fameuses barres de bois rond), le galeriste nancéien montre des pièces nettement plus inattendues, papier imprimé et performance.
« L’art n’est pas qu’un marché »
Dans ce travail de mise en lumière de créateurs méconnus, voire inconnus, quelques galeristes, à l’instar de Bize mais aussi d’Hervé Loevenbruck, de Françoise Paviot et de Benoît Sapiro (Galerie Le Minotaure), mènent un travail de longue haleine, entre histoire de l’art et promotion de plasticiens, pour reconsidérer des artistes, la plupart du temps décédés, et leur offrir ainsi la place qu’ils méritent. « Ce qu’il importe de rappeler, précise Hervé Loevenbruck, c’est que l’art, et même à la Fiac, n’est pas qu’un marché. Et il faut absolument combattre l’amnésie. De temps en temps, par rapport à la “branchitude” affichée de certains qui n’ont pas forcément de culture et qui prétendent pourtant distribuer les cartes, il est bon de se tourner vers l’histoire de l’art. »
L’an dernier, en exposant sur son stand un grand tableau de 1927 signé Henry Valensi (1883-1960), Voyage en chemin de fer, Benoît Sapiro a grandement participé à la redécouverte de ce pionnier, fondateur en son temps du Musicalisme, au même titre que le Centre Pompidou qui offrait au même moment, dans l’accrochage « Modernités plurielles » toute une salle à ce peintre d’avant-garde injustement méconnu. Depuis, ce moderniste, qui traduit le rythme en peinture via des compositions dynamiques colorées célébrant le mouvement et le vitalisme, attire autant l’attention des musées que du marché de l’art. Un autre artiste de la modernité qui gagne à être réévalué, mais cette fois-ci dans le champ photographique, c’est, selon Françoise Paviot, le photographe américain Arthur Siegel (1913-1978). Montrés cette année sur son stand, des photogrammes des années 1940-1950, témoignant de sa recherche formaliste aboutissant à des compositions abstraites, seront certainement l’occasion pour les visiteurs de se rafraîchir la mémoire. « C’est en effet une redécouverte, souligne la galeriste, tout simplement parce que nous sommes les seuls à montrer l’École de Chicago. »
Autres oubliés de l’histoire qui méritent une visibilité maximale : la Polonaise Alina Szapocznikow (1926-1973) et le Français Frédéric Pardo (1944-2005), défendus ardemment par Hervé Loevenbruck. Pardo, dandy de la contre-culture des années 1960 qui réalisait des tableaux psychédéliques à forte charge autobiographique, est un peintre figuratif à reconsidérer de toute urgence. Quant à Alina Szapocznikow, on ne la présente plus : grâce à la mobilisation de la Galerie Loevenbruck et au travail assidu de puissantes institutions, tels le Wiels de Bruxelles, cette plasticienne, morte prématurément en 1973, bénéficie d’une importante reconnaissance posthume : désormais, ses dessins et sculptures, présentés une nouvelle fois cette année sur le stand Loevenbruck, atteignent des prix très élevés, entre 20 000 et le million d’euros, et sont régulièrement exposés aux côtés des plus grandes, dont Louise Bourgeois et Eva Hesse.
À (re)découvrir Frédéric Pardo
Frédéric Pardo (1944-2005) est un artiste rare. Ce peintre figuratif français des années 1960, qui s’obstinait à peindre à tempera, a réalisé au cours de son existence une centaine de peintures seulement, regroupant tableaux psychédéliques, portraits, période orientaliste et natures mortes. Cet idéaliste, ami du cinéaste Philippe Garrel, s’est toujours refusé à montrer ses œuvres ainsi qu’à les vendre. Exceptionnellement, Hervé Loevenbruck dévoile sur son stand un grand tableau culte de 1970, représentant l’acteur Pierre Clémenti : cette imagerie pop exubérante, allant à la rencontre des préraphaélites et des symbolistes décadents, est des plus fascinantes. Prix : 100 000 euros [Galerie Hervé Loevenbruck].
À (re)découvrir André Cadere
Depuis sa disparition, André Cadere, artiste d’origine roumaine (1934-1978), a eu une influence sur bon nombre d’artistes, tels Saâdane Afif, Francis AlÁ¿s et Gabriel Orozco. Cinq ans après avoir montré un premier ensemble d’œuvres à Art Basel, Hervé Bize consacre à ce plasticien, connu notamment pour ses barres de bois rond, un solo show à la Fiac révélant la globalité de son parcours. Aux côtés de ses iconiques barres colorées, une pièce textuelle datant de 1972 est affichée sur les cimaises du stand et s’accompagne d’une performance réactivée lors du vernissage de la foire, le mercredi 21 octobre, en suivant précisément les instructions laissées par cet artiste qui n’a jamais cessé de remettre en question institution et modalités d’exposition [Galerie Hervé Bize].
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Quand la Fiac regarde du côté de l’histoire
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°683 du 1 octobre 2015, avec le titre suivant : Quand la Fiac regarde du côté de l’histoire