PARIS
Avec 25 % seulement de galeries françaises dans sa sélection, la Foire « internationale » d’art contemporain génère nécessairement des déceptions qui ont un impact financier et d’image direct sur les galeries concernées.
Pour sa 42e édition, la Fiac compte moins de galeries que l’an passé, 173 exposants au lieu de 191 en 2014, la volonté d’offrir aux galeristes des stands plus grands expliquant cela. Du coup, malgré la présence de 25 % de galeries hexagonales dans cette foire « internationale » (soit 42 galeries françaises en 2015 contre 48 l’an dernier), la France connaît, avec six galeries en moins, un léger retrait.
Parmi les recalées, des galeries de pointe françaises, offrant néanmoins une palette internationale de plasticiens, annonçaient des projets fort intéressants et on ne peut que le regretter : Laurent Godin proposait un focus sur le Belge Peter Buggenhout, Praz-Delavallade affichait la jeune scène californienne, Claudine Papillon s’apprêtait à rendre hommage à Opalka et Suzanne Tarasiève offrait un solo show au talentueux Julien Salaud. Du côté des refusés, c’est moins une grogne qu’un simple constat, doublé d’une certaine incompréhension. Selon Laurent Godin, « pour des raisons de marketing, on privilégie le cher, la “multinational corporation”, et c’est assez dévastateur pour les galeries qui ne vont pas dans l’extrême. » Pour Marion Papillon, membre du Comité des galeries d’art, « se voir refuser une telle foire, et on l’apprend souvent trop tard (en juillet), c’est une double peine : d’une part, en termes d’image et de chiffre d’affaires, c’est très dur ; d’autre part, on n’a pas le temps de réagir pour faire une contre-proposition. »
S’il est vrai que la Fiac est depuis quelques années une manifestation mondiale devenue incontournable avec Art Basel et Frieze, et doit donc tenir son rang en enquillant les enseignes puissantes économiquement (tels Gagosian et Pace), il est regrettable que les « galeries du milieu » en fassent trop souvent les frais ; Jennifer Flay, directrice de la Fiac, le reconnaît volontiers : « Effectivement, ce sont de très bonnes galeries françaises et elles n’y sont pas. Mais choisir, c’est renoncer, et on manque de mètres carrés au Grand Palais ; aussi, nous ne pouvons hélas pas contenter tout le monde. » À sa décharge, soulignons tout de même qu’à côté de ces absences cruelles, des exposants français signent leur grand retour (ou de leur arrivée) à la Fiac, comme Hervé Bize, Jérôme Poggi et la Galerie Jaeger Bucher. La roue tourne en quelque sorte.
Vice-présidente du CGA
La Galerie Claudine Papillon, qui prévoyait un solo show de Roman Opalka, n’est pas à la Fiac cette année, pourquoi ?
Marion Papillon : Jennifer Flay nous a dit : « Vous, votre place est dans la Nef du Grand Palais, pas ailleurs. » Autrement dit, notre galerie est trop ancienne et trop établie pour figurer à la deuxième édition d’Officielle, aux Docks. Du coup, nous ne sommes nulle part. Et, malgré qu’on reconnaisse tout à fait le travail accompli depuis quelques années par la directrice de la foire pour faire monter en puissance la Fiac, nous avons du mal à comprendre le positionnement de cette Officielle qui se veut axée sur la création contemporaine et l’émergence. On a le sentiment qu’à la Fiac, hormis les gros « poissons », qui se partagent la Nef, et les jeunes galeries découvreuses, qui sont à Officielle, il n’y a plus de place pour nous, les galeries établies de taille moyenne. Franchement, nous ne comprenons pas bien Officielle, qui ne semble pas vraiment complémentaire à la Fiac et qui n’en est pas suffisamment éloignée pour donner l’impression d’une autre foire. Quant aux organisateurs, on ne sait plus vraiment ce qu’ils attendent de nous !
Il est un fait que, hormis la présence d’une poignée de galeries en région (Hervé Bize à Nancy, Pietro Sparta à Chagny et, anciennement, Cortex Athletico à Bordeaux et Paris), la province est très peu représentée à la Fiac. Celles qui s’y trouvent, de qualité, proposent des artistes historiques ou de grands noms internationaux, comme Pietro Sparta qui vient avec Merz et Toroni, aussi leur présence se justifie-t-elle pleinement. Mais quid d’autres galeries en région, notamment prospectives, qui n’y sont pas ? Tel Didier Gourvennec Ogor à Marseille qui a tenté de faire la Fiac en 2013 sans y parvenir, et ce malgré l’existence dans son écurie de plasticiens prometteurs, comme Timothée Talard. Pour ce Marseillais, c’est le reflet du centralisme parisien : « Quelle est notre place dans les foires et les médias ? C’est là que le bât blesse. À part L’Œil, peu de supports spécialisés se déplacent en région pour traiter des événements », analyse le galeriste. Quoi qu’il en soit, malgré la dure réalité du terrain (une visibilité moins grande en province), rien n’est impossible, la preuve en est la (faible) présence cette année à la Fiac de ces quelques irréductibles galeristes régionaux qui contre vents et marées rappellent, dans la capitale, leur capacité à rayonner à l’international, bien au-delà de l’hexagone…
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La grogne des galeries françaises
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €- La Fiac - Demandez le programme
- Une vraie fausse ouverture aux nouvelles scènes
- Tendance : Le grand retour de l’art moderne à la Fiac
- La grogne des galeries françaises
- Le comité de sélection est-il si libre que cela ?
- L’art abstrait, une présence plus concrète que jamais
- Quand la Fiac regarde du côté de l’histoire
- Les multiples, des œuvres très singulières à la Fiac
- Fait-on encore des découvertes à la Fiac ?
- Verra-t-on de la performance à la Fiac ?
- Des prix qui vont de 500 à plusieurs millions d’€
- Quelle photographie peut-on voir à la Fiac ?
- Le coup de force de la scène latino-américaine à la Fiac
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°683 du 1 octobre 2015, avec le titre suivant : La grogne des galeries françaises