Paris - Architecture

Paris, laboratoire de la réhabilitation

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 16 février 2023 - 727 mots

PARIS

De nombreux chantiers actuels de réhabilitation de bâtiments parisiens tendent à plus de sobriété. Des exemples de cette démarche urbaniste et écoresponsable sont présentés au Pavillon de l’Arsenal.

Bâtiment Pinard, 75014 : Transformation d’une maternité en équipement hybride, ZAC Saint-Vincent-de-Paul. © Chartier Dalix, Paris & Métropole Aménagement / Ville de Paris
Bâtiment Pinard, 75014 : transformation d’une maternité en équipement hybride, ZAC Saint-Vincent-de-Paul.
© Chartier Dalix, Paris & Métropole Aménagement / Ville de Paris

Paris. Des tours Duo dans le 13e arrondissement au nouveau quartier de La Chapelle au nord de la ville, Paris donne parfois l’impression d’une ville qui ne cesse de s’étendre, en surface et en hauteur, malgré les contraintes d’espace. Ces exemples – pas toujours heureux – cachent la réalité d’une ville qui se construit sur elle-même : 70 % des permis de construire accordés dans la capitale en 2019 concernaient des chantiers de rénovation, réhabilitation ou reconversion. En atteste notamment la cité administrative du boulevard Morland (4e arrondissement). Ce vaste ensemble moderniste construit dans les années 1960 est devenu aujourd’hui, sous l’impulsion du programme « Réinventer Paris » – concernant les projets urbains innovants –, un quartier à lui tout seul, regroupant logement, commerces, hôtels, loisirs, et dont l’entrée se fait par un cloître de béton dessiné par l’architecte David Chipperfield.

Tout près de cette ancienne cité administrative, le Pavillon de l’Arsenal s’est transformé pour quelques mois en showroom de la réhabilitation « à la parisienne » : quarante-quatre permis de construire déposés aux services d’urbanisme de la ville y sont présentés, remontant chronologiquement le fil du bâti parisien. Le parcours de l’exposition « Conserver, adapter, transmettre » commence par l’ensemble hétéroclite du XVIIe siècle aujourd’hui abritant le Centre culturel Suisse et s’achève avec la tour Cristal, édifiée sur le front de Seine du 15e arrondissement en 1990. Du très ancien au tout récent, l’enjeu est le même : installer les usages d’aujourd’hui dans les espaces construits hier.

Pour Alexandre Labasse, ancien directeur du Pavillon de l’Arsenal et nommé en octobre à la tête de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), l’exigence patrimoniale de cette démarche se double actuellement de l’urgence écologique : « On cherche tous la bonne forme pour cette nécessaire adaptation. Aujourd’hui, l’enjeu numéro un, c’est d’adapter la ville à une température de 50 degrés », explique l’architecte. Prendre en compte l’existant, ne plus démolir pour reconstruire, utiliser les volumes anciens et leurs qualités : la démarche patrimoniale est également économe en émission de gaz à effet de serre. Les parties les plus carbonées de l’édifice (structures, fondations) sont déjà là, et il n’y a plus qu’à aménager autour. « De 800 kilogrammes équivalent C02 par mètre carré, on peut passer sous les 400 kilogrammes dans le cas d’une réhabilitation simple ou bas carbone », justifie Guillaume Meunier, architecte DPLG.

Nouveaux principes de réhabilitation

Pour une réhabilitation réussie, quelques principes se dégagent des permis de construire présentés au Pavillon de l’Arsenal. D’abord, la réhabilitation exige souvent une mixité des usages : le programme de la cité Morland, ou celui de la Poste du Louvre livré récemment par Dominique Perrault en sont de bons exemples. Logement, activités tertiaires, commerces, parcs, la pluralité des activités permet de répondre aux besoins du quartier pour des réserves foncières parfois vastes.

Avec la mixité des usages, il convient d’ouvrir les bâtiments réhabilités sur la ville. C’est un constat souvent partagé sur les réserves foncières inoccupées en ville : malgré leur valeur patrimoniale, elles n’ont pas une image reluisante auprès des riverains car leurs portes fermées en font des forteresses. Ainsi de la reconversion de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul (14e arrondissement) : perçant plusieurs espaces de circulation vers la rue et donnant une transparence au premier niveau, le parc central de l’hôpital devient un espace public [voir ill.].

Les réhabilitations misent sur la qualité plutôt que la quantité, que le maître d’ouvrage soit public ou privé. « C’est une nouvelle tendance très nette, note Alexandre Labasse, la majorité des projets livrés aujourd’hui proposent moins de mètres carrés. » Les nombreux projets de réhabilitation de parkings, souvent voués à la démolition, matérialisent ce principe : pour en faire des logements ou des espaces de travail agréables, il est nécessaire de percer des cours centrales, d’ouvrir des baies.

Enfin, pour tous ces projets, la bonne solution d’aménagement se trouve souvent dans les volumes originaux. Alléger les espaces des aménagements accumulés pendant des décennies, parfois des siècles, permet de retrouver les qualités d’habitabilité, mais aussi climatiques et énergétiques des lieux. À l’image de la future rénovation du Pavillon de l’Arsenal lui-même : avec un espace libéré, la halle du XIXe siècle deviendra plus confortable d’utilisation, et le simple ajout d’une cour climatique à l’arrière permettra d’éviter le recours à une ventilation mécanique.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°604 du 3 février 2023, avec le titre suivant : Paris, laboratoire de la réhabilitation

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