Dans le cadre de la réhabilitation de l’hôpital, l’ancien sanatorium est menacé de destruction. La Maison de l’architecture s’oppose à ce choix, jugé difficile par la mairie.
Besançon (Franche-Comté). L’hôpital Saint-Jacques aura bien un avenir : alors que le déménagement des activités hospitalières en périphérie de Besançon s’achèvera en 2026, la mairie annonçait en mars dernier le rachat de cette grande emprise patrimoniale dans le centre-ville bisontin. Après une proposition de rachat inaboutie par le groupe Vinci, c’est donc la Ville, à travers sa société d’aménagement Territoire 25, qui porte la création d’un véritable quartier dans l’ancien hôpital : un gigantesque chantier de requalification en centre-ville, portant sur 35 000 mètres carrés de planchers répartis sur une parcelle de six hectares, et qui mobilisera une centaine de millions d’euros. Les éléments protégés de cet établissement du XVIIe siècle seront évidemment préservés et valorisés, mais le projet urbanistique de la municipalité repose également sur quelques destructions.
Celle du bâtiment Ledoux (voir ill.) suscite une opposition locale, sous la forme d’une pétition lancée par la Maison de l’architecture de Franche-Comté. « C’est quelque chose d’un peu nouveau pour nous d’être revendicatifs, explique Pierre Guillaume, administrateur de l’association professionnelle, mais nous l’assumons. On a une unanimité au sein de notre conseil d’administration pour porter cette revendication. » Une mobilisation qui a surpris la mairie, mais qui fait écho aux préoccupations de la Maison de l’architecture : « Nous exerçons en profession libérale, et nous sommes confrontés quotidiennement à ces questions de réhabilitation, pour des bâtiments en plus ou moins bon état. On arrive à réhabiliter de vieux corps de ferme en logement collectif. J’ai du mal à croire qu’on ne puisse pas le faire ici. »
La pétition des architectes souligne l’importance patrimoniale de ce bâtiment, un ancien sanatorium caractéristique d’une architecture hygiéniste du début XXe siècle, avec ses larges baies verticales et ses balcons filants. Dans les années 1960, il est surélevé, et son toit-terrasse recouvert de niveaux supplémentaires coiffés d’une toiture à pans, « avec une certaine qualité », estime Pierre Guillaume. Mais la problématique écologique s’invite également dans ce combat patrimonial : le texte de la pétition, qui a reçu quelque 2500 paraphes en un mois, insiste sur la nécessité de réhabiliter le bâti existant dans un souci d’économie des ressources comme de l’énergie.
Une réflexion à laquelle la mairie écologiste de Besançon n’est pas indifférente : « Cet argument du bilan carbone, il est juste, concède Aurélien Laroppe, adjoint à la maire chargé de l’urbanisme. Ce n’est pas un choix que l’on prend à la légère, on s’est tiré les cheveux avant de prendre la décision. C’est un processus qui a duré plusieurs mois. Et la première chose que l’on s’est dite, c’est que ce bâtiment serait maintenu. » Mais à l’issue de plusieurs visites du bâtiment, l’hypothèse de la requalification en logements s’avère particulièrement coûteuse. Et ce diagnostic contraint les élus à trancher entre la préservation de l’existant et l’un des objectifs poursuivis par cette réhabilitation : proposer des logements de qualité et abordables.
« Je suis arrivé à mon mandat en me disant qu’il faut réhabiliter coûte que coûte, raconte ainsi l’élu. Mais à l’usage, on ne peut pas être jusqu’au-boutiste : si nous étions à Paris, ou Bordeaux, une réhabilitation à 8 000 € du mètre carré trouverait preneur. À Besançon, le revenu médian est de 1500 € nets… » En face du bâtiment Ledoux, un autre édifice du début du XXe siècle, le bâtiment Bersot, sera quant à lui bien conservé : sa trame plus flexible permet à la mairie d’envisager une reconversion en logements lumineux et confortables sans surcoûts rédhibitoires, ce qui ne serait pas envisageable pour Ledoux. « On aimerait être sûrs que ce surcoût ne peut pas être absorbé dans un projet à plusieurs millions d’euros », objecte Pierre Guillaume.
Déjà échaudés par la destruction de la maternité des années 1970, jouxtant l’hôpital, au mois de mai dernier, les membres de la Maison des architectes se montrent également peu sensibles à l’argument paysager de la mairie qui souhaite connecter le nouveau quartier au parc de Chamars et à la verte colline de Chaudanne en détruisant le bâtiment Ledoux. « On est confronté à un problème culturel, sur l’attention que l’on porte au patrimoine du XXe siècle, constate Pierre Guillaume. De nombreux bâtiments remarquables, dont la maternité, ont été détruits à Besançon, et d’autres projets de démolition sont à venir, comme les premières barres de Maurice Novarina dans le quartier de Planoise. Il est toujours compliqué de faire comprendre qu’un bâtiment du XXe siècle à des qualités constructives, et c’est pour ça qu’on monte au créneau. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
À Besançon, le dilemme du bâtiment Ledoux
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°644 du 29 novembre 2024, avec le titre suivant : À Besançon, le dilemme du bâtiment Ledoux