Urbanisme

ENTRETIEN

Martin Malvy : « Tout part du logement »

Président de Sites & Cités remarquables de France

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 26 septembre 2024 - 817 mots

L’association regroupant les sites patrimoniaux remarquables de France appelle le président de la République à un large plan de réhabilitation des logements vacants dans les centres-villes historiques.

Martin Malvy lors du Congrés national des sites et cités remarquables de France, en juin 2024. © Un oeil Averty
Martin Malvy lors du Congrés national des sites et cités remarquables de France, en juin 2024.
© Un oeil Averty

Lors de son congrès annuel, les 13 et 14 juin, l’association Sites & Cités adoptait une motion appelant le président de la République à la mise en place d’un grand plan de réhabilitation des logements vacants dans les centres anciens disposant d’un site patrimonial remarquable. Ancien maire de Figeac (Lot) et député PS, président de la Région Midi-Pyrénées durant dix-sept ans et président de l’association depuis 2000, Martin Malvy détaille les enjeux de ce plan.

« Les maux dont souffrent les centres anciens sont connus. Ce qu’ils peuvent apporter à la société l’est moins. » Cette phrase de votre motion adressée au président de la République indique-t-elle que le patrimoine vacant est l’une des solutions à la crise actuelle du logement ?

Martin Malvy : Plus que ça, c’est une réponse à un triptyque : crise écologique, crise du logement, dévitalisation des centres urbains. Dans la lutte contre l’imperméabilisation des sols, et l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN), la première des choses à faire est de se concentrer sur le bâti existant. C’est aussi une réponse au triste sort des centres anciens, aux quartiers délabrés avec des taux de vacance très élevés qui peuvent parfois atteindre les 30 %. Si l’on veut que la ville devienne plus attrayante, il faut qu’elle soit habitée. Nous avons eu trente à quarante ans de délire où l’on a transporté la ville à l’extérieur, en créant des besoins de déplacement. On a transporté les hôpitaux, les commerces, etc., au détriment des centres anciens. On parle beaucoup du commerce dans les politiques de revitalisation, mais ce sont des discours creux s’il n’y a pas de politiques du logement. Et c’est une affaire de volonté publique ! Le secteur privé ira rarement poursuivre des opérations de réhabilitation massives… et les candidats au commerce ne s’installeront pas dans des territoires désertifiés. Tout part du logement.

Quels sont les objectifs de ce plan ? L’avez-vous chiffré ?

M.M. : On envisage 100 000 à 200 000 logements sur une décennie. Si l’on traite dans chaque département entre 100 et 200 logements, au bout de dix ans on aura réalisé une belle opération. Nous n’avons pas souhaité figer les idées autour d’un chiffrage, il découlera de l’étude que nous ferons dans un premier temps. Mais sur le nombre de logements que nous évoquons, un financement est tout à fait envisageable, le foncier peut être financé sur le très long terme par des prêts. Car il y a deux volets dans ce plan : la réhabilitation, mais aussi l’acquisition, par les collectivités ou les porteurs de projets, qui permettra de monter ces opérations. On parle ici du logement vacant, celui qui est perdu, ou qui est la propriété de personnes qui n’ont pas les moyens de le réhabiliter. Ce n’est pas le même type de logement traité par les aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou lié au programme Action Cœur de ville (ACV).

Pourquoi ce plan logements est-il spécifiquement adressé aux villes qui disposent d’un site patrimonial remarquable ?

M.M. : Les élus de ces territoires ont fait la démarche d’élaborer des plans d’urbanisme extrêmement volontaristes, onéreux, faisant du patrimoine un pari sur l’avenir. Ce serait un juste retour de l’État de reconnaître ce travail en soutenant un plan logements. Depuis une trentaine d’années, on voit des équipes patrimoniales éclore, même dans de toutes petites villes ; il y a eu des progrès considérables. Ce service public de l’urbanisme, il faut lui permettre de respirer, lui donner des moyens. Sans critiquer les programmes actuels, comme ACV ou Petites villes de demain, il manque encore aujourd’hui cette reconnaissance de l’État pour les collectivités qui s’inscrivent dans cette démarche patrimoniale.

Le texte de la motion évoque des « procédures » à simplifier. Lesquelles ?

M.M. : Les complications viennent souvent du fait que les partenaires institutionnels qui travaillent sur les réhabilitations patrimoniales ont des multitudes de dossiers à traiter : quand l’Anah évoque 630 000 logements rénovés par an, on voit la charge de travail que cela peut représenter. Et le même dossier passe souvent entre les mains de plusieurs partenaires ; il faut vraiment une réflexion sur ces doubles instructions. C’est d’ailleurs l’un des grands progrès apportés par ACV ou Petites villes de demain, réunir autour d’une même table les acteurs concernés par un même projet.

Comment l’Élysée a-t-il reçu votre motion ?

M.M. : Nous avons eu une réponse du président de la République, par l’intermédiaire de son cabinet, peu de temps après l’envoi de notre texte. Nous avons été orientés vers Philippe Bélaval, conseiller culture du président, et Sandie Michelis, conseillère logement. Au niveau local, notre texte a été soutenu par 150 élus, avec quelquefois des délibérations en conseil municipal. Tout cela va dans la direction de l’ouverture d’un débat sur cette question du logement dans les centres anciens.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : Martin Malvy : « Tout part du logement »

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