Patrimoine - Urbanisme

PATRIMOINE URBAIN

Cahors insère le palais de Via dans son centre-ville

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 20 juin 2022 - 938 mots

CAHORS

La préfecture du Lot conduit depuis une dizaine d’années une politique de revitalisation de son cœur de ville ; elle s’attaque aujourd’hui à une friche patrimoniale et carcérale située en son centre historique.

Le Palais de Via sur les berges du Lot à Cahors. © Patrick Monchicourt, 2009, CC BY-SA 2.0
Le Palais de Via sur les berges du Lot à Cahors.

Cahors (Lot). Jusqu’en 2012, la plus vieille prison de France se trouvait en plein cœur de Cahors. Une vingtaine de détenus continuaient alors de purger leur peine dans les murs du palais de Via, dont la tour domine le Lot et la vieille ville cadurcienne. Sur une base du XIIIe siècle s’élève un palais du XIVe siècle, reconfiguré au XVIIIe siècle puis transformé en maison d’arrêt au XIXe, laquelle s’étend sur la parcelle au siècle suivant : une stratigraphie patrimoniale particulièrement complexe pour cet ensemble qui a attendu jusqu’en 2018 son projet de reconversion. Lauréat de l’appel à projets « Réinventons nos cœurs de ville » – lancé dans le cadre du plan Action Cœur de ville pour financer des projets urbains innovants –, le projet de réhabilitation du palais de Via démontre comment valorisation patrimoniale et objectifs de revitalisation urbaine vont de pair dans les villes qui en ont besoin.

Béziers, Annonay, Vierzon, Forbach…, la liste des villes de taille moyenne (entre 20 000 et 100 000 habitants) subissant un phénomène de désertification, commerciale comme résidentielle, est longue. Elle est aussi devenue, sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, un enjeu politique : impulsé par le ministère de la Cohésion territoriale (désormais fusionné avec celui de la Transition écologique), le plan Action Cœur de ville (ACV) donne un coup d’accélérateur aux projets de rénovation urbaine. Parmi les bénéficiaires du programme, Cahors est régulièrement citée en exemple.

Une réhabilitation anticipée

La préfecture du Lot n’a pas attendu le plan ACV pour réfléchir à une batterie de solutions face au déclin de son centre-ville. La municipalité identifie dès le début des années 2010 une problématique rencontrée par la quasi-totalité des villes retenues par le programme : une dégradation du bâti ancien qui fait fuir les familles, paupérise le centre-ville et le vide peu à peu de ses résidents. Dans sa réponse, elle combine des outils fiscaux, incitatifs (primes et exonérations), institutionnels via l’Agence nationale de l’habitat, mais aussi patrimoniaux. « Mieux on connaît un bâtiment, mieux on peut l’accompagner dans une reconversion », explique Laure Courget, directrice du patrimoine à la mairie. À Cahors, l’archéologie du bâti – méthode d’analyse des états successifs d’un bâtiment par son observation – est devenue un levier double, qui permet de valoriser le foncier ancien auprès des habitants, mais aussi de proposer une réhabilitation pertinente, qui va chercher dans les états historiques l’utilisation optimale des volumes. Grâce à ces méthodes, et à la volonté politique de combattre la dévitalisation, Cahors était dans les starting-blocks lors du lancement du plan ACV en 2018.

Dans cette dynamique, une friche historique de 3 000 m2 – dont 1 400 de bâti au sol – à 300 m de la cathédrale Saint-Étienne ne pouvait rester abandonnée sans projet. Pour la Ville, la parcelle du palais de Via concentre plusieurs enjeux. Le premier, c’est une connexion entre la ville haute et une ville basse défaillante. La parcelle du projet inclut un bâtiment récent situé en contrebas, sur les bords du Lot, afin d’ouvrir la réflexion sur une circulation verticale qui pourra faciliter l’accès au centre depuis les berges. Éminence au sommet de la vieille ville, le palais de Via est également un élément saillant du paysage cadurcien, avec la cathédrale voisine et le palais Duèze, à l’entrée nord du centre historique. Pour lui rendre sa visibilité, le projet propose d’écrêter les murs d’enceinte, rehaussés lors des aménagements successifs du site. Une discussion patrimoniale est engagée avec la direction régionale des Affaires culturelles (Drac) pour arbitrer sur la portion de mur à dégager.

Enfin, les volumes généreux du bâti et les quelque 1 600 mètres carrés libres de la parcelle permettent de répondre à deux objectifs de la Mairie : favoriser le retour de la nature en ville, sous la forme d’un jardin qui remplacera les bas-côtés en friche et l’ancienne cour de promenade, et réimplanter une mixité d’activités en pleine ville (résidences, bureaux et activités commerciales, tertiaires). L’enjeu est particulièrement important rue du Château-du-Roi, sur laquelle donne l’imposante entrée de la prison XIXe. C’est l’ancienne artère commerçante médiévale de la ville, bordée sur toute sa longueur par des commerces sous arcade, que la Ville entreprend de réactiver.

Percer le mur XIXe

Afin d’intégrer le palais de Via à ce tissu urbain, la Ville envisage de percer le mur XIXe de la prison pour ainsi ouvrir la parcelle aux habitants et combler la rupture dans les activités de rez-de-chaussée que constitue l’enceinte pénitentiaire : une autre réflexion patrimoniale à mener… parmi les dizaines que va poser le site. Faut-il ainsi restituer les baies et les planchers du XIVe siècle ou garder certains aménagements du XVIIIe ? Privilégier l’état tour médiévale ou le pénitencier du XIXe ? Et que faire des nombreuses traces du passage des détenus, fresques, pochoirs, graffitis ?

L’architecte en chef des Monuments historiques Axel Letellier veillera à la mise en œuvre de ces arbitrages pour le compte de la foncière Icade, sélectionnée pour le chantier d’aménagement. Le dialogue entamé en amont avec la Drac, et l’intégration de ce projet à une opération de réhabilitation du patrimoine ancien menée depuis plusieurs années sur la ville, permettent d’envisager une adaptation du bâti ancien aux enjeux du Cahors de 2022. Les servitudes patrimoniales ne sont ici en rien un frein à l’investissement, comme on le craint souvent ailleurs : le palais de Via accédait d’ailleurs au classement monument historique en 2019, juste après l’appel à projets « Réinventons nos cœurs de ville ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : Cahors insère le palais de Via dans son centre-ville

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