BÉZIERS
Alors que la plupart de ses musées d’art sont fermés, la Ville travaille à leur regroupement dans l’ancien Palais des évêques. La route est encore longue avant une ouverture en 2026.
Béziers (Hérault). La première ville de France entend enfin se doter d’un musée d’art digne de son rang. La première ville ? Oui car Robert Ménard, qui a conquis la ville en 2014 avec le soutien de l’ex-Front national et a été réélu en 2020 avec près de 69 % des votes, considère que sa ville a été fondée par les Grecs avant Marseille. En 2018, il annonce son intention de regrouper les musées de la Ville dans le Palais épiscopal, vide depuis le déménagement du tribunal. Il y a urgence car, de l’aveu même de la municipalité par la voie de son journal, « les musées ne sont plus au niveau des exigences de notre époque, [ils] ne donnent plus envie ».
Un euphémisme pour cacher une situation catastrophique. L’hôtel Fabrégat, qui abrite depuis 1903 l’une des deux collections du Musée des beaux-arts, a été fermé en 2017 à la suite du vol d’un tableau de De Chirico. Outre la valeur économique de l’œuvre, c’est aussi une perte symbolique car le tableau faisait partie de la collection de Jean Moulin (né à Béziers) léguée à la Ville par sa sœur. La Mairie indiquait à l’époque que le rez-de-chaussée des lieux resterait accessible, ce qui ne fut pas le cas. De même, elle annonçait que le Musée du Biterrois, musée d’archéologie et d’histoire installé à grands frais en 1991 dans une ancienne caserne, serait désormais ouvert un seul jour par semaine. Il est cependant fermé définitivement en novembre 2020. Ne reste plus ouvert en cet été 2021 que l’hôtel Fayet, une sorte de musée d’arts décoratifs qui expose notamment le fonds d’atelier du sculpteur Jean-Antoine Injalbert (1833-1945).
Dépêchée en urgence après le vol, la direction régionale des Affaires culturelles Occitanie recommande de regrouper les musées ; il faut dire qu’ils ont tous les deux le label « Musée de France » et que bien peu des prescriptions attachées à ce label national sont respectées.
Trois ans après, le projet de regroupement au Palais épiscopal est sur les rails. Une attachée de conservation a été recrutée : Céline Dumas, 34 ans, biterroise. Elle a pu constituer un début d’équipe scientifique, rédiger un projet scientifique et culturel (PSC) et participer au choix du programmiste, en l’occurrence l’agence d’architectes Zaborski-Michalska. Le site est plutôt bien placé, adossé à la cathédrale Saint-Nazaire, il doit figurer dans la « liaison douce » en cours de réalisation entre la ville haute et les écluses sur le canal du Midi, lesquelles sont l’attraction touristique principale.
L’ancien palais du XVIIe siècle, classé monument historique en 2011, a de l’allure malgré les vestiges du tribunal. Pour l’heure tout est resté en l’état, et les chiffres avancés pour sa restauration et la création d’un musée (25 M€) donnent une idée de l’ampleur des travaux. À ces 25 millions d’euros s’ajoute la restauration de l’hôtel Fabrégat, qui deviendrait le lieu des expositions temporaires.
Mais si le projet est sur les rails, il est loin d’être abouti. Le financement n’est pas bouclé, le maire a de nouvelles exigences et le chantier des collections n’a pas commencé, faute de place. « [Nous n’avons pas] de réserves dignes de ce nom », disait la municipalité en 2018. Là aussi c’est un euphémisme. La collection, constituée de peintures anciennes du XVe siècle à nos jours, dont beaucoup de tableaux de Salons du XIXe, des fonds Moulin (600 dessins et 30 tableaux) et Injalbert, comprendrait environ 1 000 œuvres avec, comme « pépite », un tableau du Dominiquin. Une collection honorable bien qu’encore insuffisante, à laquelle il faut ajouter les collections d’archéologie de « la première ville de France ». Les réserves sont réparties entre l’hôtel Fabrégat (fermé) ; l’hôtel Fayet (ouvert) et le Musée du Biterrois (fermé) où le parcours permanent a en partie été laissé tel quel. C’est dans ce lieu que la Mairie souhaite centraliser les réserves, mais, pour pouvoir effectuer le récolement, obligatoire (l’inventaire n’est même pas terminé), il faudrait un autre lieu pour gérer le flux des œuvres d’un site à l’autre.
Rien n’est simple à Béziers, qui n’est pas une ville comme les autres. Avec un taux de pauvreté de 35 % (plus du double de la moyenne nationale qui est de 14,8 %), la ville de 77 000 habitants est loin de son apogée d’avant la Première Guerre mondiale ; marquée par le déclin économique, elle a été supplantée par Montpellier. Les bâtiments haussmanniens répartis le long des boulevards témoignent d’un passé sinon glorieux du moins confortable.
L’État est aussi embarrassé par les provocations du maire, mais il doit faire avec, lui reconnaissant une volonté de faire avancer les choses. Il a signé en 2018 avec la Ville un plan « Action Cœur de ville » afin d’accélérer la reconquête du centre-ville, et a accordé coup sur le coup en 2019 le label « Maison des illustres » à l’hôtel Fayet – la maison du peintre Gustave Fayet (1865-1925) – et le label « Ville d’art et d’histoire » à Béziers avec des considérants particulièrement élogieux : « une nouvelle dynamique où la culture et le patrimoine sont au cœur de la politique de la ville et de son développement urbain, culturel, économique et touristique ».
L’ouverture du nouveau musée d’art et d’histoire de Béziers, comme l’appelle de ses vœux Céline Dumas, est prévue en 2026, année d’élections municipales.
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Béziers veut son « grand musée »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°573 du 17 septembre 2021, avec le titre suivant : Béziers veut son « grand musée »