PARIS
L’opérateur public des monuments nationaux accélère sa recherche de polyvalence pour mieux répondre aux attentes d’une société en crise, mais aussi pour élargir ses sources de recettes.
Il y a deux ans, le Centre des monuments nationaux (CMN) sortait de l’année 2019 meurtri par le mouvement des « gilets jaunes » et l’incendie de Notre-Dame de Paris, mais avec le sourire : 2020 devait être un tournant pour l’établissement public, avec l’ouverture d’un nouveau fleuron, l’hôtel de la Marine.
Trois confinements sanitaires plus tard, Philippe Bélaval, président de l’établissement, voit également en 2022 une « année charnière », mais pour une tout autre raison : « La crise que nous continuons de traverser provoque un certain nombre d’évolutions profondes dans les mentalités de nos contemporains ; on assiste à une véritable mutation sociale. […] La crise sanitaire apparaît comme ayant un effet de dispersion, de fragmentation de la société, […] et les difficultés de pouvoir d’achat ne vont pas manquer d’aggraver cela », analyse-t-il lors de la conférence de presse annuelle tenue en ligne le 25 janvier.
Le ton est inhabituellement grave pour ce rendez-vous traditionnel de début d’année, qui consiste d’ordinaire à faire le point sur la fréquentation des sites du CMN et à présenter les grands projets d’ouverture de l’année à venir. Philippe Bélaval ne s’appesantit pas sur le nombre des entrées – évidemment insuffisants pour l’établissement privé des touristes internationaux –, tant les motifs de satisfaction sont maigres – les bons débuts de l’hôtel de la Marine malgré la crise, et une progression générale de 35 % par rapport à 2020, très loin encore des 10 millions de visiteurs en 2018 et 2019
À peine évoque-t-il le château de Villers-Cotterêts (Aisne), l’ouverture-événement du CMN cette année : l’expérience de l’hôtel de la Marine, dont l’inauguration a été retardée d’un an, invite à la prudence. Début janvier, les mauvaises surprises du chantier de restauration repoussaient déjà l’ouverture de la Cité de la langue française – fixée initialement en mars – à l’automne prochain. S’il évoque ce chantier, surveillé de près par le président de la République, c’est pour mettre en lumière un exemple qui « illustre parfaitement cette stratégie de dynamisation d’un territoire en difficulté de tous ordres, à 70 kilomètres de Paris ».
Mais le cœur du propos en ce début d’année n’est pas uniquement patrimonial. « Il est indispensable d’ajuster la stratégie de l’établissement […] et de mettre le réseau des monuments et sites au service de l’urgence sociale », soutient Philippe Bélaval. Un centre de vaccination hébergé dans les tours de La Rochelle, une collecte de don du sang organisée à la fin de l’été dans les monuments du réseau, ou une résidence du Crous de l’académie de Versailles installée dans une écurie en ruine du domaine de Saint-Cloud : voilà quelques unes des récentes actions dans ce domaine.
« Ce sont des symboles ponctuels, mais importants dans cette période », souligne le président. Derrière les symboles, se profile aussi la « sortie de l’activité mono-culturelle ». Déjà engagée avec l’ouverture de l’hôtel de la Marine – qui fait cohabiter dans le même lieu trois parcours de visites, un espace de coworking, un restaurant, et l’Académie de Marine –, cette stratégie devrait s’accélérer en 2022. Il s’agit pour le CMN d’identifier les bâtiments et dépendances domaniales inutilisés sur tous les sites gérés par le réseau, afin d’y installer des activités répondant à un besoin social, ou bien permettant au CMN d’engranger de nouvelles ressources, alors que les recettes de billetterie sont au plus bas.
La démarche « demande de revoir certains critères d’analyse » au point de vue patrimonial, admet Philippe Bélaval : il en veut pour preuve le projet de résidence étudiante sur le domaine de Saint-Cloud que les lourdeurs administratives ont étalé sur dix ans. Elle exige aussi de s’emparer de concepts issus de la société civile, qui doivent s’acclimater à la rigidité des institutions. Ainsi, le président du CMN ne semble pas très à l’aise avec la notion de tiers-lieu, « ce mot-valise, qui j’espère n’est pas un gros mot pour vous ». Souvent porté par des collectifs de citoyens dans des projets de reconversion patrimoniaux (notamment pour le patrimoine industriel), faisant son entrée au musée (comme dans le projet Beauvoisine de Rouen), le tiers-lieu sera expérimenté dans un certain nombre de monuments, comme au château d’Angers, à celui de Châteaudun [voir ill.] ou à la citadelle de Montdauphin. « Ce sont des lieux dans lesquels il y a des espaces disponibles, un bassin de population susceptible d’être intéressé, et des équipes très volontaires pour mener ces expériences », explique Philippe Bélaval.
La piste des éventuels tiers-lieux ne doit pas occulter la poursuite d’initiatives qui ont déjà fait leurs preuves. Comme les visites guidées à distance, développées l’année dernière, et qui ont permis aux écoliers africains ou sud-américains de visiter la Sainte-Chapelle ou l’Arc de triomphe : « une expérience extrêmement concluante », estime le président. Ce dernier souhaite également développer un service de location d’expositions clé en main, destiné aux acteurs privés et publics du patrimoine ; une manière de valoriser économiquement l’expertise du CMN. Et puisque l’établissement reste avant tout un gestionnaire de monuments, Philippe Bélaval n’oublie pas de mentionner l’installation de la collection Brache-Bonnefoi au sein de l’abbaye de Beaulieu-en-Rouergue (Tarn et Garonne), la restauration du Musée de l’oppidum d’Ensérune (Hérault), et l’inauguration tant attendue de la Cité de la langue française, les trois temps forts des douze prochains mois. Même si, cette année, ces événements semblaient presque secondaires.
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Le Centre des monuments nationaux veut se diversifier davantage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°582 du 4 février 2022, avec le titre suivant : Le Centre des monuments nationaux veut se diversifier davantage