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Rouen fusionne son muséum et son Musée des antiquités

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 11 février 2022 - 876 mots

ROUEN

La métropole rouennaise va regrouper le Muséum d’histoire naturelle et le Musée des antiquités, abrités dans le même couvent du XVIIe siècle. Un projet scientifique de 65 millions d’euros tourné vers les enjeux environnementaux.

Le couvent des Visitandines abrite le Muséum d'histoire naturelle et le Musée départemental des antiquités de Rouen. © Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie
Le couvent des Visitandines abrite le Muséum d'histoire naturelle et le Musée départemental des antiquités de Rouen.
© Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie

Rouen. À Rouen, deux musées cohabitent dans l’ancien couvent des Visitandines depuis bientôt deux siècles. Le Muséum d’histoire naturelle, fondé en 1828, et le Musée des antiquités (1831), vont être réunis en une seule entité, ajoutant une collection de 40 000 objets archéologiques au fonds de 800 000 pièces du Muséum. Lancé en 2017, lors de la présidence métropolitaine de Frédéric Sanchez (PS), le projet se concrétise sous le mandat de son successeur, Nicolas Mayer-Rossignol (PS), également maire de Rouen. Le lourd investissement de la métropole (qui gère onze musées depuis 2016) ne se manifeste pas ici par un geste architectural. Quelque 65 millions d’euros financeront une restauration indispensable des bâtiments conventuels du XVIIe siècle (classés monuments historiques) et un nouvel aménagement des lieux agrandissant la surface totale de 1 000 mètres carrés, soit 45 % du volume actuel.

« L’idée n’est pas d’ouvrir le musée du “IIIe millénaire” qui en met plein la vue ; on veut travailler des sujets de fond », explique Laurence Renou, vice-présidente métropolitaine chargée des Affaires culturelles. Comme lors de la rénovation du Muséum de Bordeaux, ou celle – en cours – du Muséum lillois, l’urgence environnementale est au cœur de la conception de ce nouveau « pôle Beauvoisine », du nom de la rue attenante. Le mélange des collections archéologiques et de sciences naturelles donnera ici une teinte anthropologique au discours : Rouen regarde aussi l’exemple lyonnais du Musée des confluences. « L’enjeu est de donner un contexte historique aux problèmes environnementaux », résume Mathilde Schneider, directrice des deux musées.

Un parcours contextualisé élaboré avec l’aide des usagers

Pour trouver l’espace nécessaire au redéploiement des collections, le projet utilise une « dent creuse » du parcours archéologique, en créant trois niveaux dans la hauteur sous-plafond. L’espace sera dévolu à l’exposition permanente, et non aux réserves qui, elles, seront externalisées dès 2026, avec celles de tous les musées métropolitains. Cet espace supplémentaire est nécessaire pour l’ambitieux programme muséographique, validé en 2019 par la métropole, et par le ministère de la Culture en 2020. « Notre méthodologie pour imaginer le nouveau parcours, c’est de faire comprendre au visiteur l’état d’esprit des populations de chaque époque », fait savoir la directrice.

Avec une région et une métropole qui mettent en avant la notion de « droits culturels », le programme scientifique a été élaboré en concertation avec les Rouennais, réunis en ateliers. L’exigence d’un parcours chronologique – une demande forte des enseignants – et la perception du musée comme un lieu « serein », parenthèse en dehors de la vie quotidienne, mais aussi une institution fiable dans ses informations ont été plébiscitées. Le parcours imaginé sera divisé en deux temps : « Normandie, carrefour des mondes » guidera le visiteur de la Préhistoire à la Renaissance, en examinant les influences extérieures sur le territoire normand (commerce, migrations, échanges culturels) ; puis « Normandie, port(e) d’exploration » aura pour fil rouge l’ouverture de la région sur le monde et les navigateurs du XVIe siècle à aujourd’hui. « La question des échelles d’espace s’est imposée dans notre réflexion, indique Mathilde Schneider, nous avons, dans les collections, des pièces qui viennent du coin de la rue et de l’autre bout du monde. » Pensé comme un « musée de territoire », le pôle Beauvoisine puisera aussi dans la propre histoire des deux institutions qu’il agrège. Le nouveau musée préservera ainsi des éléments muséographiques historiques du XIXe siècle : la grande galerie du Muséum, dont la mise aux normes des vitres pose quelques problèmes techniques, les vitrines néogothiques de la galerie médiévale, ainsi que les vitraux encastrés dans les fenêtres du cloître.

L’interdisciplinarité et le musée sont envisagés comme éléments de débat ; ces deux orientations du nouveau projet font également écho à l’histoire des lieux. Les deux musées étaient intégrés à un campus, lieu d’interaction entre sciences dures et sciences humaines. Le Muséum a été le théâtre de la controverse sur la « génération spontanée » qui opposait le médecin biologiste Félix Archimède Pouchet, son premier directeur, à Louis Pasteur. Utilisé à la fin du XIXe siècle par les industriels rouennais du tissu, le Muséum conservait aussi des matières premières textiles, un pan de l’histoire des musées que Mathilde Schneider souhaite aussi raconter dans le nouveau parcours : « Cet aspect n’est pas mis en avant, car les musées veulent s’extraire du milieu économique, alors que c’est un contexte très intéressant. »

Des réserves visitables

Visant le tourisme local, le nouveau pôle Beauvoisine est aussi présenté comme un écosystème muséal qui ne se définit pas par son lieu. Le couvent des Visitandines ne sera que la « vitrine » de ce musée. Les deux autres tiers seront partagés entre les réserves, que Sylvain Amic – directeur des onze musées métropolitains – souhaite ouvrir aux visiteurs, et des dispositifs de musée hors les murs. Rouen souhaite s’inspirer des expériences du Frac Île-de-France (et ses « Flash Collections »), ou des « conteneurs musées » installés à Strasbourg, afin de faire rayonner les collections dans tout le territoire métropolitain. « Avec l’exposition “Arts de l’Islam” [qui présente un parcours au Musée de la céramique de Rouen], on voit que quelques pièces, même modestes, suffisent pour raconter une histoire », prend pour exemple la vice-présidente chargée de la culture.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°582 du 4 février 2022, avec le titre suivant : Rouen fusionne son muséum et son Musée des antiquités

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