BORDEAUX
Après dix ans de fermeture pour travaux, le Muséum rouvre ses portes en offrant un nouveau visage. Modernisé, agrandi, réaménagé, le musée qui datait de 1862 ambitionne de viser tous les publics.
Bordeaux. L’éléphante Miss Fanny a retrouvé une place d’honneur dans l’hôtel de Lisleferme, au sein du jardin public de Bordeaux. Depuis son arrivée en 1892, le pachyderme veille sur les visiteurs du Muséum d’histoire naturelle de la ville. Pour la réouverture du lieu le 31 mars, après plus de dix ans de fermeture et 16 millions d’euros de travaux, Miss Fanny n’est plus seule : une musaraigne l’accompagne, clin d’œil à l’infiniment grand et l’infiniment petit de l’histoire naturelle, dont la découverte va se poursuivre tout au long du parcours ludique et pédagogique, vivant et sérieux, concocté par les équipes du Muséum de Bordeaux.
Dès le début des années 2000, Nathalie Mémoire, conservatrice en chef et directrice du Muséum, réfléchit à une rénovation-extension du musée, devenu vétuste et exiguë. Mettre aux normes de sécurité et de confort le musée, renouveler son parcours en accord avec les nouvelles préoccupations du public (notamment environnementales) et étendre sa superficie pour développer une programmation temporaire de qualité : les trois axes de la rénovation ainsi posés, le projet est mis en branle par la municipalité et un concours architectural a lieu en 2007. Il faut rationaliser les mètres carrés libérés par les bureaux transférés dans un pavillon administratif à deux pas dans le jardin public, et par les réserves déplacées dans un Centre de conservation nouvellement bâti : 2 315 m2 de surface totale dans l’hôtel de Lisleferme, dont 500 m2 d’extension en sous-sol, devant le bâtiment.
Le bâtiment, un ancien hôtel particulier du XVIIIe siècle, conçu en miroir pour un père et son gendre, a été profondément remanié par la Ville pour y installer en 1862 le Muséum. De sa destination originelle subsiste un salon aux boiseries et stucs du XVIIIe siècle rénové dans sa colorimétrie d’origine, que le Muséum destine à la location pour des séminaires et des réunions. De sa muséographie du XIXe siècle, nulle trace au rez-de-chaussée et au premier étage.
Au rez-de-chaussée, un « Musée des tout-petits » permet de consacrer un parcours aux enfants de moins de 6 ans. « Pour les très jeunes enfants, on ne peut pas se contenter d’adapter le parcours, il faut une médiation, un discours, un mobilier à part », explique Nathalie Mémoire en présentant ces 100 m2 à l’ergonomie et aux couleurs adaptées. À l’étage, deux expositions semi-permanentes, appelées à changer tous les quatre à cinq ans, proposent pour l’une un ancrage régional avec la présentation du littoral aquitain, et pour l’autre, intitulée « Mange-moi si tu peux ! », une revue des régimes alimentaires, des systèmes de capture et de digestion très variés du vivant. Dans ces deux salles, spécimens patrimoniaux ou nouvellement acquis cohabitent. 20 % des 3 500 spécimens exposés dans le nouveau muséum sont des acquisitions récentes : « soit des espèces que nous n’avions pas ou plus, soit des spécimens en “position naturelle” à la différences des spécimens patrimoniaux, souvent plus figés », explique Nathalie Mémoire. Dans la nouvelle muséographie, les oiseaux volent, le loup hurle à la lune, les rongeurs multiplient les poses.
Le parcours arrive à son apogée au dernier étage : pour chaque visiteur, de lourdes portes s’ouvrent sur la galerie Souverbie, du nom du premier conservateur du Muséum dans l’hôtel de Lisleferme. Restaurée, la galerie est un témoignage de la muséographie du XIXe siècle, avec ses larges et hautes vitrines de tous côtés. Élégamment mises en lumières, elles présentent les questionnements liés à la biodiversité, à la constitution d’une collection et d’une classification du vivant. Au centre, les anciennes vitrines ont laissé place à des îlots marmoréens en Corian, dans lesquels s’insèrent multimédias et grands spécimens. En guise d’introduction, un spectacle multimédia guide le regard de vitrine en vitrine. Le contenu est riche, complexe. Pour éclairer le visiteur, des médiateurs, placés dans chaque espace d’exposition, répondent aux interrogations. Elles ne devraient pas manquer.
Dix ans de travaux
Chantier. Le projet, prévu pour durer quatre ans, aura pris plus de dix ans en tout. Un retard que relativise Nathalie Mémoire, comparant ces travaux à ceux du Muséum de La Rochelle (douze ans, de 1995 à 2007) ou à ceux du Muséum de Toulouse (onze ans, de 1997 à 2012). Plus spécifiquement, le chantier des collections, lié à la construction du Centre de conservation des collections (opérationnel depuis 2011) a été gigantesque, comme c’est souvent le cas avec les collections d’histoire naturelle. Après avoir inventorié et déménagé le million d’espèces, le chantier a également pris du retard, lié à la complexité de l’extension en sous-sol et à des appels d’offres infructueux. En mai 2018, à quelques mois de la réouverture programmée, un orage de grêle d’une violence historique endommage le bâtiment et des spécimens déjà exposés : « Il a fallu reprendre des salles entières, restaurer les spécimens endommagés, remotiver les équipes », se remémore Nathalie Mémoire. Finalement, ce dernier épisode aura coûté six mois de retard en plus.
Francine Guillou
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Bordeaux retrouve son Muséum
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°520 du 29 mars 2019, avec le titre suivant : Bordeaux retrouve son MusÉum