PARIS
PARIS [12.04.16] – Dévoilée à la presse, une œuvre attribuée à Caravage et découverte il y a deux ans dans un grenier toulousain est estimée à 120 millions d’euros. Elle a été classée « Trésor national » par l’Etat. De nombreux indices vont dans le sens de cette attribution.
A-t-on retrouvé un Caravage dans un grenier toulousain ? C’est en tout cas ce que pense l’expert Eric Turquin, appuyé implicitement par un arrêté de refus d’exportation publié le 31 mars et élevant l’œuvre statut de « Trésor national ».
La toile, une Judith tranchant la tête d’Holopherne, a été dévoilée à la presse le 12 avril. Depuis avril 2014, elle est entre les mains des experts du Cabinet Eric Turquin à Paris, après avoir été découverte incidemment dans « le grenier d’une belle propriété » toulousaine, selon le commissaire-priseur Marc Labarbe, le premier a avoir posé les yeux sur le tableau « après un dégât des eaux ».
« Depuis deux ans, experts, historiens de l’art, conservateurs, restaurateurs et radiologues se sont penchés sur la toile dans le plus grand secret » confie Eric Turquin. Jusqu’à l’arrêté publié au Journal officiel, qui a forcé les experts à dévoiler la toile, « de manière prématurée car il reste encore beaucoup de recherches à faire sur son histoire et son arrivée à Toulouse » souligne l’expert.
Dans la salle de son cabinet, les accents caravagesques éclatent, même aux yeux des non-avertis. Et son état de conservation étonne, au vu des 150 ans passés dans un grenier, sans que les propriétaires le sachent, les premiers étonnés de cette trouvaille selon Marc Labarbe. Stéphane Pinta, expert chez Eric Turquin, explique : « il a fallu procéder à une régénération des vernis, nettoyer la surface de la toile pour enlever la saleté, sans une restauration profonde, pour retrouver la lisibilité de l’œuvre, qui est intacte : il y quelques accidents sur la toile, mais le tableau n’est pas du tout usé, et il a été très peu restauré au cours des siècles ».
Cette Judith et Holopherne peinte vers 1604-1605 dans la dernière période de la vie du Caravage, si elle est avérée, est connue des historiens d’arts par des sources anciennes et une copie. La copie est parvenue dans les collections d’une banque napolitaine, attribuée à Louis Finson, tandis qu’en 1607, le tableau est signalé dans une lettre du peintre Franz Pourbus, qui la localise justement dans l’atelier de Finson. Le tableau apparaît pour la dernière fois à Amsterdam en 1617 dans l’inventaire après le décès de Finson.
Selon Nicola Spinosa, ancien directeur du Musée Capodimonte à Naples, « la seule conclusion à laquelle on puisse arriver est qu’il faut reconnaître dans la toile en question un véritable original du maître lombard, presque certainement identifiable, même si nous n’avons aucune preuve tangible et irréfutable », validant les examens stylistiques faits sur la toile. Rapidité d’exécution, repentirs trouvés à la radiographie, intensité de la lumière et de la touche, autant de caractéristiques qui ne sont pas présentes dans la copie de Finson.
Si les conservateurs français ne peuvent se prononcer publiquement sur l’authenticité de la toile (droit de réserve oblige), l’arrêté de refus d’exportation mentionne « un tableau attribué possiblement » à Caravage, une œuvre « d’une très grande valeur artistique (…) méritant d’une retenue sur le territoire comme un jalon très important du caravagisme », après avoir passé trois semaines dans les laboratoires du Musée du Louvre.
Depuis 1991 et l’attribution de L’arrestation du Christ, autrefois attribuée à Gerrit von Honthorst à Dublin, ce serait la plus grande découverte dans l’œuvre du Caravage. « Il n’y a pas de consensus, et je ne cherche pas le consensus ! » commente Eric Turquin : « en 2003, il y a encore eu des critiques sur l’œuvre de Dublin, Caravage est un artiste qui prête à controverse ».
L’estimation de l’œuvre se monte à 120 millions d’euros. « Le corpus des œuvres du Caravage est estimé à environ 50/60 numéros : Rembrandt, dont deux toiles ont été achetées pour 160 millions d’euros, en compte 350 à 400 dans son catalogue » estime Eric Turquin pour expliquer le coût faramineux du tableau.
Le refus d’exportation court pendant 30 mois, et le statut de « Trésor national » ouvre la défiscalisation du mécénat pour l’achat d’œuvres à hauteur de 90 %. Pour l’instant, les propriétaires de l’œuvre, qui souhaitent la vendre, n’ont pas reçu d’offres d’institutions françaises.
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L’authenticité du Caravage retrouvé prend corps
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