FLORENCE / ITALIE
FLORENCE (ITALIE) [15.04.16] – Alors que le cabinet Turquin a attribué au Caravage la Judith tranchant la tête d’Holopherne retrouvée dans un grenier près de Toulouse, le « pape » du caravagisme, Gianni Papi, penche plutôt pour un tableau de la main de Louis Finson exécuté vers 1607-1608.
Dévoilée à la presse le 12 avril dernier, l’œuvre découverte il y a deux ans dans un grenier toulousain a été attribuée au Caravage par l’expert Eric Turquin et estimée à 120 millions d’euros. Mercredi 13 avril, cette thèse a été réfutée par l’éminent spécialiste du Caravage, Gianni Papi.
L’expert a publié sur sa page Facebook son argumentaire qui le fait pencher pour une attribution à Louis Finson: « J’ai vu la peinture trois fois à Paris au cours de l'année 2015. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que l'œuvre est de Caravage. Il y a trop d'éléments stylistiques qui ne sont pas de sa main : de la tête d'Holopherne (trop chargée, avec des dents écartées absolument étranges pour le Caravage) à celle de la servante (avec des rides excessivement marquées sur son visage […]) en passant par les mains d’Holopherne, où la luminosité est trop nette sur les ongles ».
A plusieurs reprises, Gianni Papi fait référence à Louis Finson (1580 – 1617), peintre propagateur du caravagisme. A ses yeux, « le décolleté de Judith et sa robe de satin noir » ressemblent davantage au style de Finson, tout comme la main de Judith qui tient l’épée dans la pénombre, qui est d’après lui, « trop simplifiée ». Gianni Papi ne retrouve pas « l’énergie du Caravage » dans le geste de Judith, qui d’une main décapite Holopherne avec l’épée et de l'autre tient la tête pour les cheveux. « Un geste sans force », pour l’expert. « Je pense par conséquent (en l’état des choses) qu'il pourrait s'agir d'une œuvre de Louis Finson datée de 1607-1608, fortement influencée par les rapports entretenus avec le Caravage » conclut l’expert. « La toile de Judith et Holopherne dont le groupe bancaire Intesa San Paolo est propriétaire et qui est conservée à Naples (la copie de la Judith et Holopherne peinte vers 1604-1605 dans la dernière période de la vie du Caravage et qui est à ce jour introuvable) est, d’après moi une deuxième version que Finson a exécuté à quelques années de distance (en 1611-1612 probablement) […] ».
Cette contre expertise n’est certainement que la première d’une longue série. Eric Turquin a d’ailleurs déclaré le 12 avril : « Il n’y a pas de consensus, et je ne cherche pas le consensus ».
De nouveaux Caravage
Régulièrement des toiles de Caravage ressurgissent sur le marché, ou à l’occasion de restaurations ou d’expositions. En 2006 Sotheby’s avait vendu pout 42 000 livres une œuvre intitulée Les tricheurs, expertisée comme une copie « d’après Caravage » et datée de la fin du XVIIe siècle. En 2013, l’adjudicataire affirmait que le tableau était de la main du Caravage et l’estimait à 10 millions de dollars. Poursuivie par le vendeur (Lancelot Thwaytes), la maison de ventes aux enchères avait finalement gagné le procès en janvier 2015. La Cour avait jugé que Sotheby’s « n’avait pas fait preuve de négligence » et que l’auctioneer était « dans son droit de faire confiance à la connaissance et à l’expertise du spécialiste de son département Old Masters dans l’évaluation de la qualité de la peinture ».
En 2008, la Queen’s Gallery d’Edimbourg exposait L’appel de Saint Pierre et Saint André, auparavant considéré comme un faux et attribuée au maître italien après sept ans de restauration ; en 2010, quelques jours après l’attribution au maître lombard de la toile Le martyre de saint Laurent, le Vatican se rétractait ; en 2013, à Londres, des historiens de l’art affirmaient avoir découvert un nouveau Caravage représentant saint Augustin. En octobre 2014, l’experte Mina Gregori faisait quant à elle part de sa « certitude absolue » concernant l’attribution au Caravage d’une œuvre représentant une Marie-Madeleine en extase, auparavant considérée comme une copie.
Les querelles entre experts alimentent de vives controverses, à l’image encore des deux œuvres (Pèlerinage de Notre Seigneur à Emmaüs et Saint Thomas mettant son doigt en la plaie du Christ) retrouvées en 1999 dans l’église Saint-Antoine de Loches, qui suscitent encore des débats relatifs à leurs attributions.
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Pour un expert reconnu italien, la toile retrouvée à Toulouse n’est pas du Caravage
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