Colloque

Les voyages du Caravage

Le caravagisme européen a fait débat lors d’un colloque les 1er et 2 septembre à Montpellier

Par Vincent Noce · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2012 - 439 mots

Esprit de Caravage, es-tu là ? Un colloque faisant le point sur la vie et la postérité hors norme du peintre s’est tenu les 1er et 2 septembre à Montpellier.

La question du caravagisme est devenue plus complexe depuis qu’elle s’est déplacée vers ses émules qui ont essaimé à travers l’Europe.

Pape du caravagisme, Gianni Papi a annoncé, au printemps, la parution d’une monographie très attendue sur Bartolomeo Manfredi, figure mythique de ce passage. Proche du Caravage, il est l’inventeur des prototypes de scènes de taverne qui eurent tant de succès en Lorraine ou en Hollande. Il est mort aussi précocement que son maître, à quarante ans, en 1622. Une soixantaine d’années plus tard, il fut consacré comme l’auteur d’une véritable systématisation de cette école du réalisme, baptisée, non sans exagération, Manfrediana Methodus. Parmi les compagnons romains, il dispute ce titre cependant à Jusepe de Ribera, inégalé dans la maîtrise de la composition, qui a irrigué le siècle d’or espagnol de ses scènes mi-religieuses mi-profanes.

Chacun est venu avec son héros. Dominique Jacquot, du Musée de Strasbourg, a évoqué Simon Vouet, rapidement marqué par ce cercle. Annick Lemoine (villa Médicis) aurait bien voulu tirer du côté de Valentin de Boulogne, et Gennaro Toscano (Institut national du patrimoine) du côté de Battistello et de Naples en général. Les participants ont essayé de tracer la carte de cette nébuleuse, de Palerme à Utrecht en passant par Lyon. Auteur d’un récent ouvrage sur le sujet, Olivier Bonfait a proposé de la scinder entre une production savante, cherchant l’anoblissement, et une « contre-culture » restée adepte de la « subversion des valeurs », par une « esthétique de la laideur ». Tout cela pour s’entendre dire, par Gianni Papi, que « le terme de caravagisme aujourd’hui a perdu beaucoup de son sens »…

Ayant examiné et restauré les chefs-d’œuvre du Caravage, Roberta Lapucci a proposé d’ouvrir cette réflexion aux études de laboratoire, évoquant la déformation des corps du fait de l’usage de lentilles ou l’apparence grumeleuse de sa peinture à Naples et en Sicile. S’attirant cette réflexion abrupte d’Olivier Bonfait : « Je ne crois pas que le Caravage soit réductible à un système de valeurs, et heureusement, sinon il ne resterait rien à dire à l’histoire de l’art », dont l’ironie a dû lui échapper. Le mot de la fin est revenu à Paulette Choné, de l’université de Bourgogne, soulignant l’utilité de la littérature, de cette époque de réforme catholique, pour appréhender ces compositions. Après avoir énuméré les sottises cocasses proférées avec aplomb depuis une cinquantaine d’années par les plus grands noms de l’histoire de l’art, spéculant sur une école décidément rebelle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°378 du 2 novembre 2012, avec le titre suivant : Les voyages du Caravage

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