Alors que, depuis cet été, le « Caravagisme européen » est à l’honneur à Montpellier et Toulouse, l’historien de l’art Olivier Bonfait s’interroge sur les racines de ce terme qui, avec l’adjectif « caravagesque », en est venu à « désigner un mouvement, à formuler une réalité dans l’histoire de la peinture, dont il faut, à la lumière des découvertes et des méthodes actuelles, questionner la pertinence ». Tel est le but de l’essai qu’il a publié aux éditions Hazan.
Inventé au XVIIIe siècle par Luigi Lanzi pour nommer les suiveurs du peintre lombard (Bartolomeo Manfredi, Carlo Saraceni, Valentin de Boulogne, Simon Vouet, Angelo Caroselli, Gerrit Van Honthorst, Serodine, Luini, Jean Ducamps et Giovanni Francesco Guerrieri), le terme « caravagesque » et son concept s’installent définitivement avec Roberto Longhi au début du XXe siècle. La caravagiomania qui s’empare alors des esprits atteint son paroxysme dans les années 1950 où pléthore de maîtres anciens sont étiquetés « caravagesques », avant que des travaux plus récents n’en limitent le cercle aux artistes passés à Rome, à quelques exceptions près. Si la notion demeure floue, Olivier Bonfait souligne la « dimension métaphysique et cosmique » du clair-obscur caravagesque « au moment même où Galilée dessine, grâce à son télescope, la Lune entre face diurne et nocturne ». « Cette conception du monde, chrétienne ou matérialiste, qui s’incarne dans la réalité de la peinture est le caravagisme ». Ses représentants sont les jeunes peintres qui se croisent et se côtoient au XVIIe siècle dans la ville éternelle, le Français Nicolas Régnier, les Flamands David de Haen et Dirck Van Barburen ou l’espagnol Ribera que l’auteur désigne comme étant à l’origine des principaux motifs de la peinture caravagesque. Demi-figure traitée en gros plan se détachant d’un fond sombre et dont la lumière accentue la présence par des effets marqués de clair-obscur : Manfredi invente simultanément le même type de tableau, mais contrairement à Ribera, il diffuse ses découvertes par le biais de ses réseaux romains. Olivier Bonfait consacre un large chapitre à la Manfrediana methodus, à ses compositions savamment élaborées dont l’intensité des couleurs est renforcée par le jeu des ombres et de la lumière. Dans une troisième partie intitulée « l’invention du tableau », l’auteur s’interroge, enfin, sur le processus de création des peintres caravagesques. Renonçant à la perspective traditionnelle et tournant le dos à la peinture d’Histoire, ils réinventent l’espace, pour construire des « réalités fictives ». Dans le sillage de la pittura al naturale du génie lombard, le caravagisme est ce nouveau langage pictural attaché à transcrire « tout le réel ».
Olivier Bonfait, Après Caravage – Une peinture caravagesque, éditions Hazan, Paris, 2012, 222 p. 19 €
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Le « -isme » de Caravage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°376 du 5 octobre 2012, avec le titre suivant : Le « -isme » de Caravage