Philippe Charlier raconte des histoires tirées de la tradition japonaise dans lesquelles les monstres jouent le premier rôle.
Philippe Charlier, archéologue, anthropologue et médecin légiste, célèbre pour ses recherches sur les dépouilles de personnages de l’histoire de France, donne une suite à Fantômes yokai publié en 2024. Avec Monstres yokai, il poursuit son exploration des êtres surnaturels du Japon sous la forme d’un superbe livre de format moyen, imprimé et relié à la manière japonaise (fukuro-toji) et abondamment illustré de détails d’estampes ou de peintures. Revoici donc les yokai dont l’auteur raconte les horreurs et les facéties qu’ils commettent, colportées par la tradition japonaise. Brigitte Koyama-Richard, dans son livre auquel Philippe Charlier se réfère volontiers, Yokai. Fantastique art japonais (Nouvelles Éditions Scala, 2017), explique : « Un yokai est une entité surnaturelle incontrôlable pour les humains ; il peut prendre l’aspect d’un phénomène étrange (bruit, odeur, etc.) ou d’une créature “extraordinaire”, la plupart du temps terrifiante, qui peut adopter toutes sortes de formes. » Fruits des cultures chinoise et indienne aussi bien que du bouddhisme et de l’animisme, les yokai peuvent être des revenants mais aussi toutes sortes d’entités démoniaques comme des théières douées de vie, des cyclopes, de minuscules bestioles à visage humain, d’énormes araignées velues ou des fées. L’une d’elles, la kitsune (femme-renarde) Kuzunoha, rappelle la Mélusine occidentale : elle redevient renarde et disparaît lorsque son mari et son fils découvrent ce qu’elle est.
La Séparation de la renarde Kuzunoha et de son enfant (1890), une estampe de Yoshitoshi (1839-1892) dans laquelle la femme en kimono passant derrière une cloison commence à se transformer, est l’une des plus belles illustrations du livre. L’ouvrage puise beaucoup dans le travail de ce maître de l’estampe nishiki-e (en couleurs), ainsi que chez Hokusai (1760-1849), Utamaro (1763-1806), Toyokuni III (1786-1864), Hiroshige (1797-1858) et Kuniyoshi (1797-1861). Les représentations de yokai sont devenues très populaires avec le livre imprimé puis le développement de l’estampe bon marché. Mais les rouleaux peints des XVIIe et XVIIIe siècles avaient déjà entamé une vulgarisation de ces monstres dans la bourgeoisie lettrée. Devenant moins terrifiants au fur et à mesure qu’ils entraient par l’image dans les foyers, en même temps que la lumière qui chassait les terreurs de la nuit, ils sont aussi de plus en plus fréquemment traités par les artistes avec humour ou introduits dans des scènes de la vie quotidienne. Utamaro a ainsi représenté un enfant jouant avec un masque représentant un tengu (inspiré des étoiles filantes, le tengu est d’abord un oiseau puis un personnage doté d’un grand nez très européen). Le théâtre kabuki met en scène des yokai, ce qui explique que l’on trouve ces monstres représentés par Toyokuni III, spécialisé dans les portraits d’acteurs. Philippe Charlier rappelle aussi que le manga contemporain hérite largement des histoires de yokai et de leurs représentations. L’âme japonaise reste imprégnée de leur présence.
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Monstres ancestraux du Japon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : Monstres ancestraux du Japon





