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La Fondation Bemberg veut être plus visible

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 2 février 2024 - 826 mots

TOULOUSE

Installée depuis 1995 dans l’hôtel d’Assézat, la Fondation Bemberg accuse un déficit de notoriété. Les travaux de modernisation ont concerné autant le parcours que l’image de l’institution.

Salle 5 de la Fondation Bemberg, consacrée aux Écoles du Nord. © Fondation Bemberg
Salle 5 de la Fondation Bemberg, consacrée aux Écoles du Nord.
© Fondation Bemberg

Toulouse.« La Fondation Bemberg, beaucoup de gens me disent “j’y suis allé, mais il y a très longtemps” » : cette façon polie de dire que l’on situe mal une institution, et ses collections aussi, Alfred Pacquement aimerait ne plus l’entendre lorsqu’il évoque la fondation dont il est président depuis 2016. « Il y a pourtant un potentiel extraordinaire, poursuit l’ancien directeur du Centre Pompidou, des collections comme celle-là, il n’y en a pas trente-six. » Bien qu’elle s’apprête à fêter, en janvier 2025, ses trente ans, l’institution privée n’a pas encore réussi à s’imposer dans le paysage muséal français et international. Les quelque 6 millions d’euros investis dans la rénovation du parcours doivent lui donner un second souffle, dans une ville au paysage culturel dynamique.

Arrivée à Toulouse en juillet 2022 pour finaliser ce nouveau parcours, Ana Debenedetti pose ses valises dans la ville rose en même temps que Laure Dalon, directrice du Musée des Augustins, très vite incluse dans le comité scientifique de la fondation. Rejointes par Lauriane Gricourt cet hiver, qui prend la direction des Abattoirs, ces trois conservatrices aguerries sont prêtes à travailler en réseau, comme le confie la directrice de la Fondation Bemberg : « Il y a un beau dynamisme de la vie culturelle, les musées sont vivants et l’on travaille beaucoup avec la Ville. » L’attente est forte à Toulouse autour de cette réouverture, surtout du côté de place du Capitole où la Mairie s’impatiente de voir le rideau se lever sur l’hôtel d’Assézat, alors que le chantier des Augustins patine.

Une gestion à l’anglo-saxonne

La Fondation Bemberg travaille son réseau local, mais aussi national, avec un conseil scientifique réunissant des dirigeants d’institution de premier plan (Christophe Leribault, directeur du Musée d’Orsay, Olivier Gabet, directeur du département Objets d’art du Louvre, Olivia Voisin, directrice des musées d’Orléans). Durant les travaux, l’institution s’est également fait connaître à l’international, grâce à une tournée de ses chefs-d’œuvre produite par l’agence Manifesto : Lausanne, Houston, San Diego, Shanghaï. Sur trois continents, la collection a réuni quelque 600 000 visiteurs. Un succès qui« nous a beaucoup encouragés », se félicite Alfred Pacquement. « Notre directrice va s’efforcer au maximum de faire entrer la fondation dans ces réseaux nationaux et internationaux de haut niveau. Nous avons un groupe d’appui important, et elle-même a un très bon carnet d’adresses. »

Passée par le Victoria and Albert Museum, puis par la direction des expositions pour le gestionnaire Culturespaces, Ana Debenedetti unit l’expérience de grandes institutions à celle du secteur privé. Un profil peu commun qui recourt aussi à la pratique très anglo-saxonne du développement des ressources propres, note avec espoir le président de la fondation : boutique, café estival, événements, site Internet, l’hôtel d’Assézat s’équipe comme un musée moderne. Une salle de 250 m2 permet également d’envisager sereinement une programmation d’expositions temporaires, sans avoir à déplacer les œuvres du deuxième étage. À court terme, ces équipements relèvent davantage d’une volonté de rayonnement que d’un impératif économique. Bien doté, en titres et en biens immobiliers, le trust légué par Georges Bemberg permet largement d’éponger le déficit de fonctionnement de l’institution.

La Fondation Bemberg à Toulouse. © Jean-Jacques Ader
La Fondation Bemberg à Toulouse.
© Jean-Jacques Ader
Un budget d’acquisition de 1 M€ par an

Il autorise même le conseil d’administration et sa directrice à garder un œil sur le marché de l’art, pour enrichir l’accrochage. Car le legs du collectionneur argentin n’est pas encadré par des clauses qui figent l’ensemble des œuvres et son accrochage. Ainsi, la fondation a pu acquérir un Mary Cassatt fin 2023, un portrait de jeune femme au chapeau qui figure en bonne place dans le nouveau parcours. Un premier pas sur le marché de l’art impressionniste et moderne depuis le décès de Georges Bemberg, en 2011, après quelques jolis coups du côté des maîtres anciens et du mobilier (Francisco de Zurbarán, Mattia Preti, ou un haut-relief en terre cuite d’Angelo de Rossi). Pour enrichir ce fonds, la seule direction donnée par le conseil d’administration est la cohérence avec la collection réunie par Bemberg, au rythme d’une grosse acquisition par an (autour de 1 million d’euros en général).

Cette activité sur les ventes publiques permet aussi à la Fondation Bemberg de faire parler d’elle : les articles de presse dans les quotidiens locaux et la presse spécialisée sont bons à prendre pour cette institution en déficit de renommée. « Notre réputation reste à construire, admet Ana Debenedetti, la collection mérite d’être mieux connue du grand public. Aujourd’hui, elle est surtout connue pour les toiles de Bonnard ; nous avons un peu de demandes sur la partie moderne, mais encore rares sur l’art ancien. » Pour sa réouverture, la fondation ne se fixe pas d’objectifs de fréquentation (elle tournait autour de 60 000 visiteurs avant la fermeture) : « C’est autant une question de chiffre que d’image, estime le président de la fondation. La rénovation va mettre un coup de projecteur sur un lieu trop rarement visité. »

Pierre Bonnard, Autoportrait sur fond blanc, chemise col ouvert, 1933, huile sur toile, 53 x 36 cm. © Photo Mathieu Lombard / Fondation Bemberg
Pierre Bonnard, Autoportrait sur fond blanc, chemise col ouvert, 1933, huile sur toile, 53 x 36 cm.
© Photo Mathieu Lombard / Fondation Bemberg

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : La Fondation Bemberg veut être plus visible

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