VENCE
Nous reproduisons une préface de catalogue dans lequel l’artiste dit toute son admiration pour son ami.
Reconnaître à Arman la dimension d’un précurseur, c’est rendre à Arman ce qui appartient à Arman. Il faut le savoir.
1913, introduction de l’objet en soi et non pas comme modèle dans l’histoire de l’art. Par ce geste à la fois héroïque et provocateur, Marcel Duchamp franchissait là, une étape essentielle en ce début du XXe siècle. Une révolution véritable qui garde aujourd’hui encore toute sa pertinence chez nos plus jeunes artistes.
Mais disons-le clairement, écrivons-le sans ambiguïté et sachons-le une fois pour toute : Oui, il y a eu Marcel Duchamp et sa « Roue de bicyclette » qui s’imposait comme la première œuvre d’art utilisant des objets réels. Ensuite, en 1960, nous avons eu Arman. Arman et son exploration méthodique de l’objet. Et ensuite ? Ensuite, il y a tous les autres ... et ils sont des milliers... !
Arman a été après Duchamp, le premier artiste qui mieux et plus radicalement que quiconque a su exploiter les possibilités de l’objet. C’est là une réalité indéniable et c’est d’une importance historique sur laquelle il nous faut insister.
Il faut évaluer ensuite cet extraordinaire niveau de créativité qui s’est mis en marche à partir de ses premières « Poubelles » et « Accumulations ». Systématiquement, Arman s’est approprié des méthodes originales de travail (les « Colères », les « Coupes », les « Combustions »). Il faut regarder attentivement aussi les Accumulations d’Objets neufs, tels que « Minutes » (1991), « 100.000 Watts » (1992), et surtout « La Chute des Courses » de 1996 constituée d’une accumulation de charriots, pour en saisir toute leur fraîcheur innovante. Des œuvres qui anticipent celles que l’on découvre souvent dans les catalogues d’artistes stars de ces dernières années.
Une chose encore. Arman est l’artiste qui a introduit le « Geste » dans la création d’une œuvre d’art. Nous ne sommes plus avec lui dans les assemblages intuitivement composés tels que ceux de Rauschenberg avec ses « Combine Paintings ». Non, Arman franchit une autre étape. Il est pour l’objet ce que Jackson Pollock est pour la peinture. Le corps est engagé, ses mouvements, dans et autour de l'œuvre, la génèrent et définissent son identité. Je pense à l’un de ses chefs-d’œuvre « NBC Rage » de 1961 qui est une « colère de contrebasse » réalisée devant les caméras de la célèbre chaîne de télévision américaine NBC, impasse Ronsin à Paris. Voir ces images, c’est retrouver la radicalité du célèbre travail au sol de Pollock devant l’objectif de Hans Namuth.
J’ai souvent vu Arman travailler et je l’ai assisté dans la création de plusieurs oeuvres durant les années soixante. J’étais là lorsqu’il a réalisé « Le Piano de Néron » en 1965. J’ai été le témoin direct de son engagement physique dans cette œuvre, et j’ai pu apprécier la justesse de ses choix constants quant aux directions à prendre pour le résultat convainquant de ce relief carbonisé.
Je n’ai jamais écrit de préface de catalogue pour un artiste. Ici je fais exception, maladroitement c’est certain, car ce n’est pas ma spécialité, mais sincèrement, n’en doutons pas. J’ai rencontré Arman en 1963 et notre amitié a gardé toute son intensité jusqu’à ses derniers jours. Sa générosité et son soutien lors de mon premier voyage à New York n’est un secret pour personne. Oui, Arman a été un grand ami, mais plus encore un très grand artiste. En lui rendant hommage ici et en regrettant encore très profondément son absence je fais mon devoir d’ami et de modeste témoin.
Ce texte de Bernar Venet est la préface au catalogue de l’exposition « Arman : Nouvel état des choses », Musée de Vence, 29 juin-15 décembre 2019, commissaire : Jérôme Neutres, membre du Comité Arman. Catalogue publié par Tohu-Bohu éditions.
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Bernar Venet, son plaidoyer pour Arman
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