Justice

Le conflit successoral entre les héritiers d’Arman prend fin

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 21 novembre 2017 - 736 mots

PARIS

PARIS [21.11.17] - L’accord annoncé officiellement par la Fondation A.R.M.A.N met un terme à douze ans de procédures diverses intentées tant en France qu’aux Etats-Unis entre les deux clans des héritiers. Un conflit qui a sérieusement perturbé la carrière posthume de l’artiste.

Six mois avant son décès en 2005, Arman signait trois actes majeurs au profit de sa dernière femme, épousée en 1971, dont la validité était depuis lors contestée devant la Surrogate Court de New York par la fille aînée de l’artiste, Marion Moreau, représentant également sa sœur Anne Fernandez, sa nièce Madison et l’enfant naturel du sculpteur, Yves. Désignée exécutrice testamentaire, Corice Arman devait en outre gérer le trust américain spécialement créé sous la dénomination ARMAN P. ARMAN auquel l’ensemble des biens de l’artiste avait été apporté.

Mais les conditions d’établissement de ces actes interrogent les héritiers français, persuadés que l’artiste n’avait pu les valider avec un consentement éclairé. Première conséquence : les sommes perçues par l’Adagp au titre de l’exploitation des droits patrimoniaux sont séquestrées dans l’attente de la procédure en contestation des actes formée par les héritiers français aux Etats-Unis. Et l’enlisement de la procédure judiciaire américaine rejaillit depuis sur toute la gestion et la promotion de l’œuvre.

Au-delà de l’enjeu financier, le conflit successoral portait essentiellement sur la titularité du droit moral de l’artiste, dont certaines prérogatives permettent de défendre l’œuvre contre toute contrefaçon ou utilisation qui ne respecterait pas la volonté d’Arman. Le droit moral est également brandi lorsqu’il s’agit d’authentifier ou non les œuvres qui passent sur le marché ou lorsqu’il s’agit d’autoriser et de contrôler des fontes posthumes. Résultat de cette opposition : le marché et la cote des œuvres en pâtissent gravement à l’image de la vente désastreuse des collections de l’Hôtel Lutetia en 2014 par l’opérateur Pierre Bergé & Associés. La confusion règne également sur l’authentification des œuvres et les interlocuteurs à solliciter, chacun revendiquant un tel pouvoir avec une mise en œuvre plus ou moins heureuse.

L’authenticité d’une accumulation de violons en métal fut, par exemple, judiciairement contestée par Corice Arman, détentrice des archives de l’artiste, alors que l’œuvre figurait dans les archives établies par Denyse Durand-Ruel. La cour d’appel de Paris confirma son authenticité, le 25 octobre 2013, au détriment des affirmations de la veuve. De son côté, la Fondation suisse A.R.M.A.N, pour « Arman Research Media Art Network », fondée en 2006 par la branche représentée par Marion Moreau participe également au processus d’authentification, notamment par le biais de la publication de catalogues raisonnés établis par Denyse Durand-Ruel et Marc Moreau.

La promotion de l’œuvre s’en trouve aussi affectée, certaines pièces majeures de l’artiste, telles que NBC Rage, n’ayant pas été prêtées par Corice Canton au Centre Pompidou, lors de la rétrospective dédiée à Arman en 2010, par peur de mise sous séquestre à la demande des héritiers français. Une peur qui s’est révélée juste, après qu’un huissier fut mobilisé en 2011 par Marion Moreau pour obtenir la restitution de La Tulipe, œuvre prêtée par Corice Arman au Musée d’art moderne et contemporain de Nice.

En 2011, Corice Arman attaquait à son tour la Commune des Baux de Provence et la Fondation A.R.M.A.N en raison de l’organisation d’une exposition de juin à octobre, utilisant le nom patronymique de l’artiste alors que celui-ci avait été déposé à titre de marque par sa dernière épouse. De même, en 2013, Corice Arman agissait cette fois pour faire annuler une exposition à l’Hôtel des arts de Toulon, arguant que l’événement n’apportait rien de positif, ni au nom de l’artiste ni à son œuvre. Quant au projet d’ouvrir un musée Arman à Nice, celui-ci résonnait encore comme une antienne depuis de très nombreuses années.

Mais la situation pourrait désormais se débloquer avec la fin du conflit successoral annoncé officiellement le 17 novembre dernier. Marion Moreau fait ainsi état de la création d’un Comité ARMAN, chargé de l’authentification des œuvres, de l’établissement d’un catalogue raisonné et du développement d’un projet de musée, où siégeront les deux principales protagonistes du conflit passé.

Douze ans après le décès d’Arman, et après de nombreuses tentatives infructueuses de conciliation par le biais notamment de galeristes, l’apaisement qui semble désormais régner constitue un signal essentiel à destination des institutions et du marché pour l’œuvre de celui qui fut reconnu pour ses « colères », ses « accumulations », ses « poubelles » et ses « combustions ».

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Arman dans son atelier à Vence en 1989 © Photo Faranne - Licence CC BY-SA 3.0

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