Arman le confie volontiers : connu et reconnu dans le monde entier, il attend aujourd’hui d’une exposition qu’elle éclaire son travail sous un angle nouveau, inédit.
La dimension « guerrière » de son œuvre n’avait jusqu’alors jamais été explorée. Tita Reut et Thomas Compère-Morel se sont donc employés à rassembler des œuvres dont la thématique centrale est l’arme. Une thématique qui se décline en trois volets : l’arme en tant que support, matière de l’œuvre ; l’arme comme composante du titre, quand bien même les objets n’ont pas de fonction martiale (des fers à repasser deviennent ainsi la Battle of Midway) ; les conséquences de l’usage des armes.
Très justement articulées, ces parties font ressortir d’intéressantes ambiguïtés, des mutations sémantiques fort subtiles. Par ses procédés caractéristiques d’accumulations et de destructurations des objets, Arman semble d’abord attaché à manifester un engagement, à s’impliquer artistiquement comme combattant. Il se situe par ailleurs comme un spectateur fasciné et un passeur fascinant de l’univers guerrier. Mais en dernier lieu, il désamorce, sous forme de dénonciation ironique, cette fascination, pour mieux inspirer l’horreur de la barbarie et exprimer pleinement son pessimisme quant à l’avenir de l’homme.
Au-delà du plan intellectuel, il y a la valeur plastique brute des pièces. Non sans humour, Arman dit à leur propos qu’elles sont « chargées ». Chargées de vécu, d’émotion et à bien des égards, d’une réelle beauté. Sa récente sculpture, le Bouquet militaire, achevé en 2003, associe un chaos de fusil et un savant équilibre, son accumulation de pioches baptisée Will Power (1978) dessine une courbe étrange et gracieuse, quant à ses combustions de fauteuils, de commodes ou d’horloges, elles confèrent aux objets une allure d’agonisant à la fois monstrueuse et touchante. En s’inscrivant dans un cadre historique (les deux guerres mondiales) et, malheureusement actuel, cette exposition, se révèle une vraie réussite, où la prolifération créatrice cherche à se substituer à celle de la violence.
« Arman armé », PÉRONNE (80), historial de la Grande Guerre, château de Péronne, tél. 03 22 83 14 18, 23 juin-12 décembre.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°562 du 1 octobre 2004, avec le titre suivant : Arman, les armes de l’art