Si la Fiac n’est pas le lieu où voir des nouveautés, il est pourtant possible de faire des découvertes, à condition de prendre le temps…
J’ai toujours été marquée par cette phrase de Manet : “Il faut être de son temps” », raconte Jennifer Flay, qui ajoute : « La Fiac montre l’art du XXe siècle mais aussi celui du XXIe, c’est important de se projeter vers l’avenir. » Compte tenu des enjeux commerciaux, la foire mise d’abord sur les valeurs sûres et les artistes consacrés. Par ailleurs, de par son ADN, la foire ne peut rivaliser, dans la promotion des artistes émergents, avec les manifestations et institutions existant déjà en France (les biennales, les Frac, les centres d’art…) qui peuvent se targuer, bien davantage que la Fiac, d’être des têtes chercheuses.
Prendre le temps
En ce qui concerne la promotion d’une création prospective mondiale, la Fiac a donc encore du travail. On ne compte pas assez en son sein d’artistes nés dans les années 1980 et après. Pour autant, elle n’a pas à rougir. Elle a certes perdu OFFicielle, sa foire bis dédiée à l’émergence, toutefois elle s’appuie cette année sur deux plateformes potentiellement défricheuses de talents nouveaux. D’une part, les Galeries supérieures du Grand Palais convoquent une quarantaine de galeries d’art pointues servant souvent de tremplins à des plasticiens prometteurs, tels que Canada, Labor, Triple V et Valentin ; à raison, Thomas Bernard (Cortex Athletico) note : « Il est encore possible de faire des découvertes à la Fiac, notamment à son étage supérieur, dès lors que l’on prend le temps. » D’autre part, le secteur Lafayette, porté par le groupe Galeries Lafayette qui soutient financièrement les exposants aventureux, réunit une dizaine d’enseignes internationales (Arcade, Experimenter, Grey Noise…) annonçant des solo shows de jeunes pousses décloisonnant les champs disciplinaires.
Un art en rhizome
Ainsi en est-il de la galerie Torri qui, en présentant le jeune Hoël Duret, né en 1988 à Nantes, propose sur son stand une plongée transversale (peintures, sculptures, films, vidéos) invitant à pénétrer une sorte de plateau de tournage poursuivant son projet à tiroirs UC-98 RGB (2016) se référant aux câbles de fibre optique qui tapissent les fonds sous-marins et qui permettent d’accéder à Internet : cette entreprise multimédia, en collaboration avec le chorégraphe Nicolas Paul, se prolonge par une performance réalisée dans le cadre de « Parades for Fiac ».
Toujours dans cette volonté de pratiquer le sample en brassant les références pour faire sortir l’art de son landerneau – c’est un geste récurrent chez les jeunes –, il ne faudra pas manquer d’être attentif à la proposition ironique du Barcelonais Francesc Ruiz, né en 1971, qui transforme le stand de Florence Loewy en un kiosque déclinant de multiples couvertures détournées de magazines afin de faire l’état des lieux d’un pays et de sa communication de masse.
Justin Adian
Né en 1976 à Fort Worth (Texas), cet Américain crée des objets colorés abstraits, qu’il passe des heures à composer et recomposer. Entre la peinture, la sculpture et la céramique – l’artiste veille scrupuleusement à l’accrochage –, chaque pièce, recouverte de quatre à sept couches de peinture, attire, car elle multiplie les renvois populaires et savants ; certains n’y voient que des bonbons pendant que d’autres y décèlent un clin d’œil aux formes molles de Robert Morris. Jouant avec le regardeur et l’espace d’exposition, ces productions hybrides ont indéniablement une formidable présence. Prix entre 11 000 et 46 000 dollars.
Sergio Verastegui
Lauréat en 2013 du prix Show-Room Art-O-Rama suivi du prix Jeune Création-Symev, le Péruvien Sergio Verastegui, né en 1981 à Lima, présente des pièces fragmentaires constituées de matériaux pauvres qui brodent des connexions subtiles entre texte et paysage, l’idée étant de dialoguer avec le spectateur autour des « restes » auxquels il accorde une deuxième vie : ce plasticien archéologue « reconstruit à partir de la destruction » afin de rappeler la poésie du local, notamment la forêt d’Amazonie et une langue vernaculaire disparue (okáina), face à l’uniformisation de la société de consommation. Les prix vont de 4 000 à 5 000 euros.
Jacob Kassay
S’étant fait connaître en France en 2013 par des monochromes argentés à la surface métallique, Jacob Kassay, né en 1984 à Lewiston (New York), fait partie de cette génération de jeunes plasticiens américains qui, en développant une réflexion sur les moyens picturaux traditionnels, rappelle la « peinture en question » de Supports/Surfaces, la nouveauté ici, particulièrement avec ses nouvelles abstractions nées d’un processus complexe additionnant peinture au pistolet, photographie, sérigraphie et autres, étant que le jeune créateur revisite les propositions françaises des années 1960 en utilisant le matériel actuel, notamment l’outil numérique. Prix compris entre 8 000 et 12 000 euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Peut-on faire des découvertes à la Fiac ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €- Le marché de l’art en France : un modèle ?
- La Fiac 2016, dans la cour des grandes
- Fiac hors-les-murs : un débordement d’art
- Attention Peinture fraîche
- Performance accrue
- Fiac : de l’art à tous prix
- Nos jeunes... aînés
- Quelle place pour les galeries en région ?
- Fiac : quelle place pour les artistes français ?
- L’art moderne, toujours aussi présent
- Peut-on faire des découvertes à la Fiac ?
- La French touch de retour à la Fiac
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°694 du 1 octobre 2016, avec le titre suivant : Peut-on faire des découvertes à la Fiac ?