FRANCE
Plus sage, moins cyclique que les marchés anglo-saxons, le marché de l’art semble faire référence en ces temps d’incertitude. Foi de galeristes !
C‘est dans un climat tendu pour le marché de l’art mondial que s’ouvre la Fiac, même si la France a plutôt mieux résisté que les pays anglo-saxons. Le marché de l’art contemporain y est en effet caractérisé par des prix plus raisonnables, des choix plus déconnectés des phénomènes de mode ou de spéculation. Pour preuve, les prix en ventes publiques : les œuvres de moins de 25 000 euros représentent 90 % des lots proposés. Ainsi les galeries françaises, malgré un contexte dissuasif, résistent bien. « Le premier semestre a été satisfaisant alors que l’on pouvait penser que les attentats et la situation économique et politique internationale ébranleraient le marché de l’art », confirme Nathalie Obadia. Même constat pour Françoise Livinec, positionnée sur des prix modérés, de moins de 1 000 euros à quelques dizaines de milliers d’euros : ce semestre est « étonnamment le meilleur enregistré » pour ses galeries des avenue Matignon et rue de Penthièvre. Pour Bernard Utudjian, à la tête de Polaris, galerie spécialisée dans la photo, « le semestre a été étrange, avec des premiers mois très difficiles, puis juin et juillet très positifs. La clientèle a repris la route des galeries et des expositions, prenant son temps pour décider. »
Un premier semestre 2016 positif
Alain Margaron, installé dans le Marais, constate aussi que « le semestre s’est étonnamment bien passé avec un quasi-doublement des ventes ». « Il y a eu bien sûr un phénomène autour du peintre Bernard Réquichot dont nous avons repris la collection au marchand Daniel Cordier, et qui a attiré des collectionneurs importants. Nos expositions de Fred Deux et de Laubiès ont très bien marché avec nombre de clients nouveaux. Ceux qui aiment une œuvre, pensent qu’elle peut les nourrir dans leur vie, n’hésitent pas à acheter. Le besoin de sortir d’un certain modèle de consommation ? Un début de fuite devant la monnaie qui ne rapporte plus et commence à coûter pour certains ? », s’interroge cet ancien banquier. Si Daniel Templon, qui fête ses cinquante ans de métier, parle lui aussi d’un « excellent semestre », fruit du « travail accompli depuis des années », il y met un bémol. « En France, notre chiffre d’affaires est stable, avec un prix moyen par vente de 50 000 euros. Or il nous faut des œuvres à 100 000 euros pour couvrir nos coûts. Alors, il est vrai que 60 % des ventes se font maintenant à l’étranger. »
Constat proche chez Jérôme Poggi : « Nous poursuivons notre croissance et j’espère ouvrir un deuxième Project Space l’an prochain. Mon chiffre d’affaires a augmenté de 25 % sur l’année 2015-2016, un très bon cru soutenu par l’international, sur les scènes américaine, hispanophones, turque et indienne. La part du marché français reste toutefois la plus importante encore, que ce soit au niveau des institutions ou des collectionneurs privés. » Parmi ses succès, Georges Tony Stoll, dont le Centre Pompidou a acquis un ensemble de quinze peintures en laine, ou Babi Badalov, dont l’installation au Palais de Tokyo fait les délices d’Instagram.
La Galerie Semiose n’est pas en reste. « Nos artistes s’installent sur le marché. Les plus confirmés ont bénéficié d’une forte visibilité dans les institutions, en France et à l’étranger, ce qui a accru leur rayonnement et explique sans doute nos résultats très positifs », commente Benoît Porcher, son directeur. Et de citer la présence de Françoise Pétrovitch au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, celles de Piero Gilardi et de William S. Burroughs au Centre Pompidou.
Des enchères moins prudentes
Du côté des ventes aux enchères d’art d’après-guerre et contemporain du semestre, concentrées à 70 % autour de Christie’s et Sotheby’s, les résultats pour ces deux acteurs sont en baisse, mais sans commune mesure avec l’effondrement constaté dans les pays anglo-saxons. Christie’s, avec 15,8 millions d’euros au lieu de 25,1 millions l’an dernier, enregistre une baisse de 37,1 %. Sotheby’s, qui a vendu pour 24,6 millions d’euros contre 28,4 millions, recule de 13,4 % seulement. À New York, Christie’s a chuté de 47,9 % et Sotheby’s de 24,4 %…Guillaume Cerutti, président Europe, Moyen-Orient, Russie et Inde de Christie’s, se montre confiant : « La place de la France ne faiblit pas en valeur absolue. La Fiac a accru son prestige, les galeries hexagonales ne désertent pas, pas plus que les galeries internationales comme Gagosian ou Ropac. Mais la clientèle est différente, moins sensible aux effets de mode et, lors des ventes aux enchères, plus tournée vers des artistes déjà dans l’histoire de l’art, comme Soulages, Morellet, de Staël. La cote des jeunes se fait ailleurs, à Londres ou New York, qui sont des places plus financiarisées. » D’ailleurs, sur la trentaine de ventes d’art d’après-guerre et contemporain organisées en France au premier semestre, 64 % des œuvres provenaient d’artistes décédés.
Le modèle français, plus sage et moins cyclique, semble faire référence en ces temps d’incertitude. « Des collectionneurs, plus attentifs, privilégiant les artistes confirmés aux jeunes qui apparaissent chaque année sur la scène et dont les prix s’emballent très vite ; des maisons de ventes proposant moins de lots pour limiter les invendus, et mettant moins en valeur les artistes spéculatifs : ces caractéristiques se vérifient pour le marché français comme pour le marché américain tandis que le marché chinois devient aussi plus mature », note Nathalie Obadia. Du coup, le travail de fond mené par les galeries prend tout son relief. « Les acheteurs, très informés et conseillés, sont plus attachés à la validation des artistes par les musées qu’aux résultats des ventes aux enchères qui peuvent très vite se retourner. On est dans une phase de “maturation”, moins dans le show of », estime cette professionnelle.
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Le marché de l’art en France : un modèle ?
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°694 du 1 octobre 2016, avec le titre suivant : Le marché de l’art en France : un modèle ?