Dans un canal de vente en croissance, galeries et antiquaires ont réalisé près de la moitié de leur chiffre d’affaires dans leur espace, en dépit de la réouverture des foires. En profitent surtout les galeries internationales.
Monde. Tandis que le marché de l’art retrouve peu à peu son rythme de croisière, les ventes en galeries, dynamisées par la reprise des foires, ont pour leur part progressé de 7 points de pourcentage, revenant à un niveau équivalent à celui de 2019 (le total des transactions pour l’année 2022 atteint 37,2 milliards de dollars). Mais ce montant cache une réalité contrastée : si les grandes enseignes implantées dans plusieurs pays, et dont le chiffre d’affaires (CA) dépasse 10 millions de dollars par an, affichent une hausse de leurs ventes de 19 %, les petites structures ont moins profité du rebond d’activité, et leur CA a même, pour certaines, légèrement régressé. Les premières commercialisent environ 225 œuvres par an, quand les secondes en vendent seulement une quinzaine. En toute logique, ce sont donc les mastodontes qui ont la capacité d’embaucher et d’investir dans leur développement.
Dans un contexte européen relativement dynamique, les marchands français font bonne figure avec une augmentation de 5 % de leur chiffre d’affaires en 2022. Quant aux Britanniques, qui se remettent progressivement du Brexit, ils affirment avoir connu des ventes nettement supérieures à celles de 2021 (+ 22 %).
Les artistes femmes continuent de représenter moins de la moitié des artistes défendus en galerie, selon une proportion qui n’a guère varié (39 %). Elles sont cependant mieux représentées dans les galeries du premier marché, leur nombre diminuant de moitié chez les marchands spécialisés dans l’art moderne ou de l’après-guerre. Et, fait notable, la part des ventes d’artistes femmes dans les galeries présentes sur le premier et le second marché a augmenté de façon significative, passant de 3 % à 30 % entre 2019 et 2022. Cette part bénéficie du succès de quelques stars, telles que Yayoi Kusama, qui a intégré le top 3 des artistes vivants vendant le plus (derrière Gerhard Richter et David Hockney). Mais voici un élément qui devrait inciter les marchands à se montrer plus égalitaires : les galeries comptant la plus faible part d’artistes femmes dans leur écurie (moins d’un quart) sont en effet celles dont les revenus stagnent, alors que les enseignes qui misent sur les artistes femmes sont nettement plus prospères (avec une croissance de 21 %). Si l’on ne peut affirmer pour autant que toutes les galeries présentant des artistes femmes vendent mieux, il est évident que celles qui en présentent très peu sont pénalisées.
Les ventes en foires, elles, ne sont pas loin d’avoir retrouvé leur niveau prépandémie (39 % des ventes totales, contre 42 % en 2019). Mais en 2022, les ventes dans les foires internationales ont progressé, tandis que leur volume sur les foires locales reste stable. On note également que la participation aux foires, cruciale pour les méga-galeries, qui y réalisent près de la moitié de leur chiffre d’affaires, est aussi déterminante pour les petites galeries. Les préventes, bien qu’elles soient remises en cause par certains exposants qui voient dans cette pratique répandue une concurrence déloyale, jouent un rôle important en garantissant aux marchands un revenu susceptible de couvrir leurs frais de participation et en permettant aux institutions comme aux très gros collectionneurs d’anticiper leurs acquisitions. Quoi qu’il en soit, l’idée de se passer des foires, émise pendant la crise sanitaire, ne semble plus d’actualité. La bonne tenue en mars dernier d’Art Basel Hong Kong, où les antiquités chinoises côtoyaient l’art contemporain, a montré que les marchands sont toujours désireux de participer à ces grandes manifestations internationales. Tous segments confondus, ils déclarent à l’unanimité vouloir participer à davantage de foires cette année.
Dans cette atmosphère de retour à la normale, une interrogation pèse cependant sur l’évolution du premier marché, plus actif que le second marché ces deux dernières années : on ignore comment il va se comporter en 2023, notamment pour quelques stars nouvellement promues. L’hyperinflation des prix constatée en 2021 ne s’est pas poursuivie en 2022, et certains s’inquiètent de la surévaluation de quelques artistes dans l’air du temps, dont les prix atteignent des sommets sous l’effet de la spéculation alors qu’ils sont en début de carrière. Une bulle pourrait être en train de se former…
Une chose est sûre : la montée en puissance des ventes en ligne s’est interrompue avec la reprise des événements physiques, que ce soient les expositions en galerie ou les foires. Le « online » représentait 13 % du chiffre d’affaires des galeries en 2019, il a grimpé à 39 % en 2020 avant de retomber à 16 % en 2022. Le plus gros de ces ventes en ligne s’effectue directement sur les sites des marchands, via les Online Viewing Rooms (OVR), ou sur des plateformes spécialisées. Et, bien que leur part ait été divisée par deux depuis 2020, celle-ci reste cependant supérieure à ce qu’elle était en 2019.
Finalement, contre toute attente, les ventes en galeries ont progressé (passant de 40 % à 47 % du chiffre d’affaires total), quatre transactions sur cinq concernant des peintures, des sculptures ou des œuvres sur papier. L’art conceptuel, la vidéo et les installations sont ainsi délaissés, au risque d’un appauvrissement de l’offre. Il incombe donc aux galeristes et aux marchands de former leurs collectionneurs afin que les acquisitions soient moins souvent guidées par une promesse de rentabilité.
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Le retour des clients en galeries
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Le retour des clients en galeries