La croissance mondiale du marché de l’art en 2022, de 3 %, aurait été meilleure si la Chine n’avait pas chuté, selon l’autrice du rapport annuel Art Basel / UBS.
Clare McAndrew analyse depuis plus de dix ans le marché de l’art dans le monde pour le compte de la foire suisse. Les centaines de chiffres figurant dans le rapport dessinent le portrait d’un marché qui a retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie, mais qui a tendance à se concentrer de plus en plus, à tous les niveaux.
La raison de la croissance beaucoup plus faible en 2022 que lors de certaines autres années est exactement celle-ci : des performances contrastées par région (et par segment de valeur). Les États-Unis se sont très bien portés avec une forte croissance, la Chine a eu un très gros trou d’air et l’Europe a été plutôt terne, de sorte que la croissance a été beaucoup plus modérée qu’attendu.
Le marché de l’art britannique a augmenté de 5 % pour atteindre 11,9 milliards de dollars. Il a connu un rétablissement plus limité en 2021 par rapport aux autres places de marché. Il était donc en quelque sorte encore en mode de convalescence et n’a toujours pas tout à fait retrouvé les niveaux d’avant la pandémie. Je pense que ce qui a aidé le Royaume-Uni, c’est que c’est une plaque tournante mondiale, donc, bien que le commerce avec l’Europe ait été handicapé par le Brexit, une grande partie de son commerce en valeur, toujours aussi solide, s’est fait hors de l’Europe (avec les États-Unis, l’Asie, le Moyen-Orient…). Il est très intéressant de noter que les galeries ont déclaré qu’elles réalisaient la majorité de leurs ventes (en valeur à 60 %) avec des acheteurs en dehors du Royaume-Uni, ce qui est assez différent des autres marchés tels que la Chine et les États-Unis, où la majorité des transactions sont locales. Le marché de l’art britannique est en quelque sorte moins dépendant de la situation du Royaume-Uni.
Oui, la baisse significative de l’euro vis-à-vis du dollar américain au cours de l’année déforme la performance de la France dès lors que les chiffres sont consolidés et convertis en dollars. La France a connu une très forte croissance en 2021 (+ 58 %), et encore + 4 % en 2022 ; elle a atteint son plus haut niveau historique qui est d’un peu moins de 5 milliards de dollars.
La frénésie s’est certainement apaisée pour les NFT liés à l’art, qui étaient les plus spéculatifs de tous les NFT en 2021, les gens achetant et revendant en un mois en moyenne, ce qui est insensé. Dans les deux catégories (« NFT Art » et « NFT Collectibles »), la majorité des ventes sont désormais des reventes, et malgré la baisse, il y a toujours un marché substantiel, qui est beaucoup plus important qu’en 2020. Les NFT continueront d’être une partie importante du marché de l’art, et cela a été une évolution positive. Je pense que les acheteurs seront moins sensibles aux rendements financiers spéculatifs à court terme et vont davantage considérer les opportunités des NFT et de la blockchain.
Les ventes en ligne sont toujours très solides, elles ont presque doublé par rapport à 2019. L’année 2021 a vraiment été un pic dans ce segment du marché, il est donc important de le considérer dans le contexte d’une période plus longue. En 2022, les galeries ont pu profiter du retour des foires, et les maisons de ventes ont diminué leurs ventes exclusivement en ligne [« online only »], de sorte que cette baisse était à prévoir. Mais, le commerce électronique ayant fortement augmenté ces dernières années, il ne va pas revenir au niveau pré-Covid.
Le marché a été tiré par les ventes du segment supérieur, provoquant une concentration très dense au sommet. Bien que cela ait toujours été le cas, cela a été très visible l’année dernière, le secteur des enchères montrant un très bon exemple. Le tableau « 3.2 » du rapport indique que, pour les ventes aux enchères d’œuvres d’art, seul le segment égal ou supérieur à 10 millions de dollars a connu une croissance positive (12 %) l’année dernière. Tous les segments inférieurs à ce niveau ont diminué.
Mais je note que bon nombre de prix parmi les très élevés (plus de 100 millions de dollars) ne concernaient pas l’art contemporain. Cézanne, Van Gogh, Gauguin, Klimt, Seurat ont fait des records aussi. Les ventes d’art impressionniste et moderne sont faibles en volume mais significatives en valeur.
Je pense que les frontières entre galeries et maisons de ventes vont continuer à se déliter et que dans le même temps d’autres canaux vont émerger. La Chine a un potentiel important de ventes en ligne. Enfin il va y avoir une consolidation (dans le sens d’une concentration) parmi les foires.
Le marché de l’art est contraint par une offre somme toute limitée et des croissances inégales selon les pays et les catégories d’œuvres d’art. Si tous ces segments augmentaient dans les mêmes proportions que celui du haut de gamme, la croissance globale serait bien meilleure. Et tous les riches n’achètent pas de l’art !
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Clare McAndrew : « une croissance plus modérée qu’attendu »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Clare McAndrew : « Une croissance plus modérée qu’attendu »