Les ventes aux enchères accusent un léger fléchissement en 2022 en raison d’un effondrement de la Chine. L’art contemporain continue à « surperformer ».
Monde. En 2021, le secteur des enchères enregistrait une croissance inédite de 51 %, une année galvanisée par l’arrivée sur le marché d’œuvres de très grande qualité combinée à l’émergence de nouveaux acheteurs. En 2022, le scénario n’a pas été le même puisque le secteur a connu une baisse de 1 %, totalisant 26,8 milliards de dollars – un niveau cependant supérieur à l’année 2019, avant la pandémie. Les ventes privées affichent également une baisse, passant de 4,1 à 3,8 milliards de dollars. Pour autant, l’année 2022 a été remarquable à plus d’un titre : non seulement elle a connu le total le plus élevé de toute l’histoire des ventes publiques (avec la collection Paul Allen, qui a atteint 1,6 Md$), mais encore, les leaders du marché (Christie’s, Sotheby’s, Phillips) ont affiché chacun des records historiques. Certes, moins de lots ont été mis en vente, mais c’est surtout à la sous-performance de la Chine (– 22 %) qu’est imputable cette baisse : « L’annulation et le report d’un grand nombre d’enchères majeures à la fin de l’année en Chine, en raison d’une politique zéro Covid stricte et d’une recrudescence des infections, a créé un frein important à la croissance », selon le rapport publié par Art Basel/UBS.
Logiquement, la Chine perd la première place dans ce canal qu’elle occupait depuis 2020 (représentant 26 % du marché), au profit des États-Unis (37 %), et enregistre une baisse de son chiffre d’affaires (CA) de 8,8 à 6,9 milliards de dollars. Une baisse qui est sans doute supérieure à cause d’un mal endémique chinois : les impayés et retards de paiement. Les États-Unis reprennent donc leur place de leader (+ 18 %), quasiment tous les lots les plus chers ayant été vendus à New York (41/50). En ce qui concerne la France, et alors que les observateurs pensaient qu’à la suite du Brexit elle allait gagner du terrain face au Royaume-Uni, il n’en a rien été : elle conserve cependant ses 9 % de parts de marché avec 2,5 milliards de dollars. Le rapport indique une hausse de 1 %. La différence avec les 7,4 % de croissance calculés par le Conseil des ventes volontaires (CVV) s’explique par la baisse de l’euro face au dollar (les chiffres du CVV sont en euros).
De fortes disparités perdurent dans les différents segments de prix. Le segment supérieur continue à fortement progresser. Les œuvres se vendant à plus de un million de dollars représentent 60 % de la valeur du marché (mais seulement 1 % des lots), contre 57 % en 2021. L’ultra haut de gamme (œuvres de plus de 10 M$), quant à lui, a augmenté de 12 %, malgré un nombre plus faible de lots vendus dans ce segment. En comparaison, la majorité des œuvres cédées (69 %) le sont à des prix inférieurs à 5 000 dollars (ne représentant que 2 % de la valeur des ventes). Cette croissance en haut du marché s’explique par une combinaison de la rareté des œuvres de haute valeur avec le nombre croissant de collectionneurs très fortunés qui recherchent ce même petit nombre de lots uniques, créant un excès de la demande sur l’offre et la hausse des prix. En retour, cette forte demande incite les vendeurs à céder leurs œuvres, alimentant cette spirale.
Le trio de tête (Christie’s, Sotheby’s et Phillips) a fortement soutenu le marché puisque ce sont ces multinationales qui ont vendu les 50 lots les plus chers de l’année. Elles ont augmenté de 11 % leur chiffre d’affaires et chacune a enregistré des records historiques, engrangeant (ventes publiques et privées comprises) 17,7 milliards de dollars – sachant que les cinq premières maisons de ventes représentent plus de la moitié de la valeur des ventes aux enchères publiques mondiales en 2022. À l’inverse, Poly Auction, qui était la plus grande maison de vente aux enchères en Chine en 2021, a vu ses résultats chuter de 75 % !
L’art moderne et contemporain continue, comme lors des vingt dernières années, à dominer le marché – représentant un peu plus des trois quarts de la valeur des ventes aux enchères d’œuvres d’art. L’art d’après-guerre et contemporain reste le plus grand secteur, s’arrogeant plus de la moitié du marché, avec un total de 7,8 milliards de dollars, un chiffre en baisse par rapport au pic de 2021 (– 8 %). Ce marché reste dominé par les États-Unis tandis qu’Andy Warhol est l’artiste le plus cher du secteur. L’art moderne occupe toujours la deuxième position (22 %), mais bien en deçà de son sommet de 5,4 milliards de dollars en 2011. Picasso est l’artiste le plus coté du secteur. Quant au secteur de la peinture ancienne (7 %), il repasse sous la barre du milliard.
Dopées par les confinements successifs, les ventes exclusivement en ligne (« online only ») de Sotheby’s, Christie’s et Phillips – lesquelles pèsent lourd dans la balance – ont atteint un pic en 2021 : près de 15 % du marché contre seulement 2 % avant la pandémie. En 2022, elles enregistrent une baisse de 35 % et repassent sous la barre du milliard. À noter que seulement 20 % des lots vendus aux enchères l’ont été de cette manière – un pourcentage stable depuis 2020 mais qui a doublé par rapport à 2019, tandis que 97 % des lots sont inférieurs à 50 000 dollars. Ce type de ventes va-t-il continuer de progresser dans les prochaines années ? À cette question, les maisons de ventes répondent « oui » à 60 % (elles étaient cependant plus de 90 % à le penser en 2021).
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La Chine plombe les ventes publiques
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : La Chine plombe les ventes publiques