Les ventes d’art impressionniste, moderne et contemporain ont baissé de 40 % par rapport à 2023, handicapées par une offre moins qualitative.
New York. Comme tous les ans, mi-novembre, les grandes vacations d’art impressionniste, moderne, d’après-guerre et contemporain de Christie’s, Sotheby’s et Phillips se déroulent sur une semaine à New York. Elles sont souvent un précieux baromètre pour jauger de l’année qui vient de s’écouler – année difficile tant sur le plan économique, que géopolitique. Ce climat défavorable a eu une répercussion directe sur les ventes qui ont lourdement chuté passant de 2,1 milliards de dollars en 2023 (un peu moins en euros) et 3,2 milliards de dollars en 2022 à 1,3 milliard de dollars en 2024. Sotheby’s a totalisé 533 millions de dollars frais compris (458 M$ au marteau) contre 1,1 milliard l’an passé, soit une baisse de 50 %. Christie’s, elle, a mieux tiré son épingle du jeu en engrangeant 689 millions (-20 % par rapport à 2023), tandis que Phillips a atteint 79 millions de dollars contre 174 en 2023.
Tout le monde était dans l’expectative – et en premier lieu les Américains, qui, depuis trois semaines, attendaient l’issue des élections. « L’élection de Trump a rassuré les ultra-riches. Sa politique économique les favorisant (réduction d’impôts et avantages pour ses partisans) a ainsi stimulé le marché en instaurant un climat d’achat plus confiant », commente le marchand et conseiller en art impressionniste et moderne, Christian Ogier. Les collectionneurs américains ont été très actifs, leur pouvoir d’achat étant plus élevé que jamais et l’écart avec les autres marchés continuant de se creuser.
Les Asiatiques ont participé dans une moindre mesure par rapport à la période de post-pandémie, tandis que les Européens sont restés prudents.« La part des acheteurs américains est très élevée parmi les enchérisseurs. On sent que la place de l’Amérique est prépondérante, avec un dollar qui est fort et qui laisse peut-être moins de chance que d’habitude aux Européens, aux Anglais et même aux Asiatiques de participer aux ventes », observe Paul Nyzam, directeur du département d’art contemporain et d’après-guerre chez Christie’s France, qui se félicitait que la vente d’art du XXIe siècle se soit terminée en gants blancs. Après plusieurs années d’euphorie après-Covid, le marché retrouve ses niveaux d’avant-pandémie (les ventes avaient totalisé 1,3 Md en 2019) et les taux de vente restent satisfaisants (82 % contre 85 % l’année dernière).
Plusieurs facteurs expliquent l’écart entre les résultats de 2022 et 2023 et cette année : cette contraction est globalement due à une offre qui s’est réduite. Moins de lots ont été mis en vente (1 662 contre 1 927 en 2023) – alors que la demande, elle, ne semble pas faiblir (tant que la qualité est là et que l’estimation est juste). Par ailleurs, il n’y avait pas de collections du calibre de celles d’Emily Fisher Landau chez Sotheby’s l’an dernier (400 M$) ou Paul Allen chez Christie’s en 2022 (1,6 Md$).
Mais surtout, le nombre de tableaux très haut de gamme soumis aux feux des enchères a diminué. « C’est vraiment très frappant. Il y a deux ou trois ans, ils étaient très nombreux au-delà de 20 millions et cette année-ci, il y en avait beaucoup moins », a observé Christian Ogier. À titre d’exemple, la vente du soir d’art du XXe siècle de Christie’s, en novembre 2023, comportait 10 œuvres adjugées au-delà de 20 millions de dollars contre deux cette année. « Le marché étant plus raisonnable, moins euphorique qu’à la sortie du Covid où tout se vendait – le bon comme le moins bon – convaincre des vendeurs aujourd’hui est plus difficile », a ajouté Paul Nyzam. Une poignée d’œuvres se sont cependant distinguées, à l’instar de la star de la saison qui a été sans conteste Magritte (1898-1967) – un beau symbole en cette année centenaire du mouvement Surréaliste. L’Empire des lumières (voir ill.), provenant de la collection Mica Ertegun, a ainsi été adjugé 121,2 millions de dollars, un nouveau record pour le maître belge, qui non seulement double le précédent, mais passe la barre symbolique des 100 millions.
Ce prix illustre le fait que les collectionneurs se tournent vers des valeurs sûres, des œuvres plus classiques, faciles d’accès, des images « trophées », à l’instar aussi de Standard Station, Ten-Cent Western Being Torn in Half, 1964, d’Edward Rusha (né en 1937), emporté à 68,2 millions de dollars – un record mondial pour l’artiste américain – dans la vente du soir d’art du XXe siècle chez Christie’s. Les Nymphéas de Monet (1840-1926), provenant de la collection Sydell Miller dispersée par Sotheby’s, ont, eux, été adjugés 65,5 millions de dollars à un collectionneur asiatique. Ce sont les œuvres de qualité correctement estimées qui se vendent bien avec des enchères nourries – le marché aujourd’hui ne tolérant pas beaucoup les approximations sur les estimations. D’ailleurs, nombre de lots ont été adjugés dans la fourchette de leurs estimations ou en dessous – signe qu’il faut encore les réajuster.
Petite entorse à la règle des « valeurs sûres », Comedian, la banane de Maurizio Cattelan accrochée à un mur à l’aide d’un morceau de gros scotch argenté, proclamée œuvre d’art, a fait le buzz en atteignant 6,2 millions de dollars (est. 1 à 1,5 M$) chez Sotheby’s. Mais ici les motivations de l’acheteur sont autres.
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Le grand plongeon des ventes de New York
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°644 du 29 novembre 2024, avec le titre suivant : Le grand plongeon des ventes de New York