NEW-YORK / ÉTATS-UNIS
Les vacations de prestige de maîtres anciens ont chuté de 50 % par rapport à l’an dernier, faute d’offre à la hauteur.
New York. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. En 2023, les ventes new-yorkaises de maîtres anciens, très fournies, comportaient plusieurs ensembles importants, à l’instar des collections Fisch-Davidson chez Sotheby’s (49,6 M$) ou J. E. Safra chez Christie’s (18,5 M$). Ce n’est pas le même scénario qui s’est joué cette année, sans collection de prestige (la petite collection de Jimmy Younger n’a pas brillé) ni lots stars tels que le Bronzino en 2023 (10 M$) ou le Botticelli en 2022 (45 M$). Et le retrait en douce du Portrait de la reine Isabelle de Bourbon, donné à Vélasquez et estimé 35 millions de dollars par Sotheby’s, n’a rien arrangé. Selon la maison de ventes,« il s’agit d’une décision des vendeurs de suspendre temporairement la vente, liée à des discussions en cours de leur part ». Néanmoins, la rumeur d’après laquelle l’œuvre ne serait pas intégralement de la main du maître, mais aussi de son atelier, court toujours.
Si l’on compare seulement les ventes phares de divers amateurs (l’équivalent des ventes du soir de Londres), intitulées « Master Paintings Part I » chez Sotheby’s et « Old Masters » chez Christie’s, celles-ci ont rapporté un total cumulé de 35 millions de dollars, contre 73 millions l’an passé – soit une chute de plus de 50 %. Les taux de vente des deux maisons en ont pris un coup, avoisinant 60 %, contre 70 à 80 % obtenus traditionnellement dans le secteur des maîtres anciens. « L’offre n’était pas adéquate. Il n’y avait pas de toiles inédites et très désirables, les acheteurs se sont moins mobilisés », analyse l’expert en peinture ancienne Nicolas Joly. « Sans compter que, dans certains cas, les estimations étaient trop élevées. Elles auraient dû être adaptées au contexte actuel », a ajouté un autre connaisseur du marché.
Christie’s a ouvert la séquence le 31 janvier avec une vente qui lui a rapporté 13,7 millions de dollars (12,6 M€) – un montant très loin de son estimation basse et des 44,3 millions récoltés pour sa vente équivalente en 2023. Sur les 78 lots annoncés, six ont été retirés juste avant la vente, faute d’intérêt, dont le lot phare, une paire de vues de Venise de Marieschi (estimation 2 à 3 M$), tandis que parmi les 42 lots ayant trouvé preneur, 35 sont partis en dessous ou dans la limite de leur estimation basse. Le beau tableau de Giovanni di Ser Giovanni Guidi dit « Lo Scheggia », L’Histoire de Coriolan, vers 1460-1465, issu de la collection Alana, s’est vendu à 1,5 million de dollars, dans la fourchette de son estimation. Même chose pour Un homme barbu portant un turban, de Tiepolo, emporté juste sous la barre du million. Artemisia Gentileschi reste, elle, une star aux enchères. Même son Saint Jean-Baptiste dans le désert, qui ne fait pas partie des sujets principalement recherchés chez cette artiste, a été adjugé 982 800 dollars, au-delà de son estimation haute. Il devrait faire partie de l’exposition sur l’artiste prévue au printemps 2025 au Musée Jacquemart-André, à Paris.
La vente de Sotheby’s, le lendemain, a réalisé un total de 21 millions de dollars, là encore sous son estimation et contre les 29 millions de dollars de 2023. Elle n’a pas eu plus de chance que sa rivale pour son lot phare – un Autoportrait de Rubens, vers 1610 (est. 3 à 5 M$) – qui n’a pas trouvé acquéreur. Le vendeur, qui avait acheté il y a deux ans pour moins de 500 000 euros au marteau ce tableau (à l’époque indiqué comme « dans l’entourage de Antoine van Dyck », les deux peintres entretenant une forte ressemblance), a sans doute été trop gourmand. En revanche, l’autre Autoportrait de peintre, cette fois-ci bel et bien de van Dyck (1637-1639), a été adjugé 2,4 millions de dollars – un montant tout juste suffisant par rapport à l’offre irrévocable dont il était assorti. Quant à l’enchère la plus élevée, à la fois de la vacation mais aussi de la semaine, elle concerne le Mur occidental de Gustav Bauernfeind, dans la vieille cité de Jérusalem (fin du XIXe), vendu 3,5 millions de dollars, dans la limite de son estimation haute. « C’est bien la première fois que, dans une vente de tableaux anciens, c’est une toile de la fin du XIXe qui fait des étincelles ! », s’est étonné Nicolas Joly. « Avant, ces tableaux étaient vendus séparément. Pareil pour les sculptures ou les dessins. Mais si c’est assez logique de mélanger ces spécialités, car ce sont les mêmes collectionneurs, les mettre dans un pot commun montre qu’il y a un manque criant de marchandise. » Autre belle surprise, Saint Agricius de Trèves et saint Annon de Cologne, du maître d’Agilulphus Altar (actif à Anvers au début du XVIe siècle) a été emporté pour 1,1 million de dollars, doublant son estimation haute et démontrant ainsi que les tableaux flamands exécutés tôt conservent de l’intérêt.
Enfin signalons, toujours chez Sotheby’s mais dans une vente à part, un pastel d’Élisabeth Louise Vigée Le Brun, Autoportrait en costume de voyageur (1816), adjugé 3,1 millions de dollars, un record pour un pastel de la femme peintre.
« Je ne suis pas inquiet pour la suite. Cela prouve juste que les grosses maisons ont elles aussi du mal à s’approvisionner. On verra ce que les marchands de peinture ancienne vont proposer à Maastricht [dans le cadre de la foire Tefaf]. Si l’offre est pauvre actuellement, il peut y avoir un revirement de situation dans les mois à venir », a conclu l’expert.
(1) Tous les résultats sont indiqués frais compris tandis que les estimations sont indiquées hors frais acheteur.
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La peinture ancienne plonge à New York
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : La peinture ancienne plonge à New York