L’adoption de la directive sur le droit d’auteur par le Parlement européen ouvre la porte à une meilleure rémunération des créateurs et éditeurs.
Après plus de deux ans de vifs débats et de campagnes agressives de désinformation organisées par les « Gafa » (Google, Amazon, Facebook, Apple), la directive sur le droit d’auteur dans le marché du numérique a enfin été adoptée par le Parlement européen par 348 voix pour et 274 contre, le 26 mars 2019.
Cette directive vise à garantir l’application du droit d’auteur dans l’espace numérique afin de protéger au mieux les intérêts des créateurs européens – qu’ils soient auteurs, musiciens, interprètes, artistes, acteurs, éditeurs de presse ou journalistes – et leurs ayants droit.
Rééquilibrant les rapports de force, elle a notamment pour objectif de leur assurer une juste et équitable rétribution en cas de publication de leurs œuvres sur les grandes plateformes commerciales de stockage et de partage en ligne (telles que Google, YouTube, Facebook, Apple, Viméo) ou sur les agrégateurs d’actualités (comme Google News, Yahoo Actu ou Feedly), qui en tirent une valeur commerciale. Ne sont donc pas visés par cette directive les sites comme Wikipédia, DropBox, GitHub, TripAdvisor, Amazon ou encore les sites de rencontres.
Ainsi, l’article 17 – plus connu sous son ancienne numérotation d’article 13 – impose aux plateformes d’obtenir explicitement l’autorisation des auteurs et ayants droit, « par exemple en concluant des accords de licence », pour communiquer et mettre à disposition du public les œuvres musicales, écrites ou vidéos protégées, moyennant le versement d’une rémunération équitable aux titulaires de droits. Cette autorisation bénéficiera aussi aux utilisateurs de ces plateformes tant que leurs activités ne sont pas commerciales et ne leur rapporte pas des revenus significatifs. En revanche, comme c’est déjà le cas dans l’Union européenne (UE), aucune autorisation ne sera nécessaire pour télécharger des œuvres protégées, à des fins de citations, de critiques, de revues, de caricature, de parodie ou de pastiche des œuvres, ainsi que les mèmes et les GIF sur Internet, garantissant la liberté d’expression et de création des internautes. L’article 17 rend, par ailleurs, les plateformes directement responsables des contenus protégés téléchargés sans autorisation sur leurs sites. En effet, les titulaires de droits pourront engager la responsabilité de la plateforme pour non-versement des sommes dues pour toute mise en ligne d’une œuvre protégée sans leur autorisation. La plateforme pourra néanmoins se dégager de sa responsabilité si elle justifie qu’elle a « fourni ses meilleurs efforts » pour obtenir une autorisation du titulaire, pour garantir l’indisponibilité de l’œuvre protégée et si elle démontre qu’elle a retiré ou a bloqué rapidement l’accès à l’œuvre protégée « dès réception d’une notification suffisamment motivée de la part des titulaires de droit ».
De surcroît, afin de protéger la liberté des internautes de toute censure systématique, la directive prévoit à l’article 17.8 qu’« aucune obligation générale de surveillance » ne devra être mise en place par les plateformes. En effet, pour déjouer leur mise en cause, les plateformes pourraient vouloir recourir à un filtrage généralisé des contenus des internautes via des outils automatisés de détection ou de suppression de contenus non autorisés, comme sur Facebook ou YouTube. Par ailleurs, pour éviter tout retrait ou blocage arbitraire, la directive impose aussi aux plateformes de mettre en place un « dispositif de traitement des plaintes et de recours rapide et efficace »à disposition des utilisateurs et exige que toute décision de blocage ou de retrait d’une œuvre protégée fasse « l’objet d’un contrôle par une personne physique ».
Concernant plus spécifiquement les éditeurs et agences de presse, l’article 15 (ancien article 11) crée un nouveau « droit voisin » du droit d’auteur à leur profit en exigeant que les agrégateurs d’actualités leur reversent une juste rémunération via des accords de licence, pour l’utilisation de tout article dont ils exploitent le contenu. Cette redevance devra être versée dans les deux ans suivant la publication de l’article. En outre, « une part appropriée des recettes que les éditeurs de presse perçoivent pour l’utilisation de leurs publications de presse » devra être reversée par l’éditeur de presse aux journalistes.
Aucune autorisation, toutefois, ne sera nécessaire en cas d’usage de la publication dans un contexte privé ou non commercial comme dans un blog. De même, les agrégateurs pourront toujours publier les hyperliens vers des articles d’actualité, ainsi que des « extraits très courts » ou des « mots isolés » d’une publication de presse ou le rappel de simples faits mentionnés dans une publication, sans verser de redevance.
La décision du Parlement adoptant cette directive a été approuvée le 15 avril par le Conseil de l’Union européenne. Puis les 28 États membres auront deux ans à compter de sa publication au Journal officiel, pour transposer la directive en droit national.
En France, même si quelques accords de rétributions de droit d’auteurs ont déjà été conclus avec les organismes de collectes des droits d’auteurs – comme ceux conclus avec YouTube notamment par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), l’Association pour la diffusion des arts graphiques (ADAGP) ou la Société des auteurs-compositeurs dramatiques (SACD) – la transposition de cette directive viendra nettement renforcer la réglementation actuelle. Elle sera par ailleurs certainement évoquée courant mai 2019 par l’Assemblée nationale qui devra débattre de la proposition de loi du Sénat portant sur la création d’un droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse.
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Le droit d’auteur gagne une bataille face aux GAFA
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°522 du 26 avril 2019, avec le titre suivant : Le droit d’auteur gagne une bataille face aux GAFA