La reproduction sans autorisation d’une œuvre dans un montage parodique n’est pas une atteinte disproportionnée au droit d’auteur.
En principe, un artiste ne peut interdire la parodie de son œuvre respectant les « lois du genre », sauf en cas d’altérations excessives. Fondée sur la liberté d’expression, la parodie constitue en effet une exception au droit d’auteur dont le but n’est pas de nuire à autrui, mais de poursuivre une intention humoristique, sans risque de confusion avec l’œuvre parodiée.
En 2014, la veuve du sculpteur Alain Gourdon, dit Aslan – qui a réalisé en 1968 le buste de Marianne symbolisant la République française sous les traits de Brigitte Bardot – avait assigné en contrefaçon l’hebdomadaire Le Point pour avoir publié un photomontage reproduisant partiellement cette sculpture immergée dans l’eau pour représenter la noyade, en couverture de son magazine sous le titre« Corporatistes intouchables, tueurs de réforme, lepéno-cégétiste… Les naufrageurs – La France qui coule, ce n’est pas leur problème ».
Selon la veuve, agissant en qualité d’ayant droit, cette reproduction non autorisée constitue une violation des droits patrimoniaux de son défunt mari, mais aussi une atteinte au droit moral de ce dernier en l’absence de mention de son nom, justifiant une demande d’indemnisation totale de 100 000 euros, outre la publication de la décision.
Déboutée par les juges du fond, elle a alors engagé un pourvoi devant la Cour de cassation qui a rejeté ses demandes en réaffirmant les critères caractérisant la parodie au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt du 22 mai dernier.
Pour la Cour de cassation en effet, « en application de l’article L122-5.4° du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ». S’appuyant sur la jurisprudence de la CJUE qui retient que la parodie « est une notion autonome du droit de l’Union », qui ne nécessite pas que la source de l’œuvre parodiée soit mentionnée, ni qu’elle ne porte que sur l’œuvre originale elle-même, la Cour relève que les juges d’appel ont fait une exacte interprétation des textes en précisant que « pour être qualifiée de parodie, l’œuvre seconde doit revêtir un caractère humoristique et éviter tout risque de confusion avec l’œuvre parodié » et que « le photomontage incriminé, qui reproduit partiellement l’œuvre [la tête] en y adjoignant des éléments propres, ne génère aucune confusion avec l’œuvre » d’Aslan.
En conséquence, elle considère qu’ils ont pu souverainement retenir que la reproduction partielle du buste immergé « constituait une métaphore humoristique du naufrage prétendu de la République, destiné à illustrer le propos de l’article, peu important le caractère sérieux de celui-ci » et en déduire que « la reproduction litigieuse caractérisait un usage parodique qui ne portait pas une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes de l’auteur et de son ayant droit ».
Dès lors pour bénéficier de l’exception de parodie, il faut retenir que l’œuvre doit présenter un caractère humoristique et éviter tout risque de confusion avec l’œuvre parodiée, sans porter une atteinte disproportionnée aux droits de son auteur ni de ses ayants droit.
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Le Point, un buste de Marianne et le droit d’auteur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°526 du 21 juin 2019, avec le titre suivant : Le Point, un buste de Marianne et le droit d’auteur