BALE / SUISSE
Notre journaliste a visité le salon lors de la « preview VIP » et constate que les stands à succès usent des mêmes procédés.
C’est un cri muet. Sur le secteur Unilimited d’Art Basel, où sont présentées cette année encore 75 œuvres hors normes, au beau milieu de l’installation interactive Bataille de Rivane Neuenschwander – qui invite les visiteurs à piocher et à placer sur un fond noir des vocables français exprimant une idée de révolte ou de résistance – le mot « non » a été épinglé avec la facture d’un café payé 6,30 francs suisses. Cher, c’est vrai, même pour un « grand americano ». Et c’est sans doute une des rares occasions de protester contre les tarifs en vigueur sur la foire.
La porte est étroite pour exposer à Art Basel. 232 enseignes ont été sélectionnées sur le principal secteur, dont sept pour la première fois, mais combien, et certaines malgré des programmations indiscutables, ont été laissées sur le seuil ?
Or s’il n’y a pas de formule magique pour entrer à la foire, au long des allées, force est de constater que les stands qui attirent le plus de visiteurs reproduisent tous plus ou moins le même scénario.
D’abord, en bordure de leur espace et comme pour le délimiter, une sculpture, de préférence de taille imposante, d’autant plus remarquable que sa silhouette est immédiatement familière ou que l’étrangeté de ses formes au contraire arrête le regard.
Très littéral, le lapin géant en bronze et plein saut de Barry Flanagan chez Waddington Custot fait son petit effet ou dans un genre moins figuratif, un monolithe d’acrylique rouge d’Anish Kapoor chez Lisson gallery. Caractéristique, les totems organiques de Tony Cragg sont devenus un marqueur presque galvaudé mais que l’on croise encore fréquemment.
Variante de la sculpture, la pièce de céramique peut jouer le même rôle signalétique. Plusieurs petites sculptures présentées sur une table ou plusieurs céramiques pareillement alignées à mi-hauteur se voient aussi ici et là, du stand de Blum and Poe à celui de Chantal Crousel. La sculpture horizontale posée au sol – on pense évidemment à celles de Carl Andre, mais aussi à une pièce muséale rare comme Acht Schreitsockel de Franz Erhard Walther présentée chez Jocelyn Wolff – court quant à elle le risque d’être foulée aux pieds, une façon un peu brutale de l’activer.
Il faut ensuite, en arrière-plan, un tableau dont la présence s’impose, par sa puissance visuelle ou la notoriété de sa signature, voire les deux. Là aussi, une œuvre au style iconique fait merveille, par exemple, une grande peinture argentée de Rudolf Stingel chez Levy Gorvy.
La résonance de l’œuvre avec une actualité évidente, comme une exposition monographique en cours, est un plus. Rudolf Stingel est en ce moment à l’affiche de la fondation Beyeler, comme Janis Kounellis (vu, entre autres, chez Lelong) est à la Fondation Prada en Italie, ou Rebecca Horn présente sur le stand de Sean Kelly, au Centre Pompidou Metz. L’aura médiatique de la Biennale de Venise se fait ainsi sentir jusqu’à Bâle : plusieurs stands présentent des œuvres d’artistes dont le travail est en ce moment même exposé sur la lagune.
Variation possible, une œuvre qui se fait l’écho d’une pièce présentée sur un autre secteur de la foire, de préférence sur le secteur Unlimited dont la dimension extra-ordinaire rejaillit ainsi sur le stand. Parfois la pièce est quasiment une réplique à échelle domestique – Sara Lucas chez Sadie Coles - d’autres fois ce sont des éléments que l’on pourra aisément rattacher à l’univers du créateur, comme celui de Laurent Grasso chez Perrotin.
La tendance au XXL gagne cependant de plus en plus de terrain, certains stands présentant exclusivement des œuvres de très grandes tailles – Philippe Vallois expliquait néanmoins à un amateur que La Grande Palissade (1964), œuvre rare de Raymond Hains, pour imposante qu’elle paraisse, était facile à transporter puisque composée de trois panneaux.
Autre constante, l’échantillonnage de l’intégralité des artistes de la galerie offre une démonstration de la richesse de son spectre et de sa variété, option panoramique d’autant plus judicieuse qu’elle multiplie les chances de rencontrer les goûts, divers, des collectionneurs.
Parmi les marchands qui défendent des artistes contemporains vivants, la fraîcheur des œuvres accrochées témoigne par ailleurs de la volonté de montrer une production inédite, bien souvent datée de l’année en cours – et parfois la toile, pas encore encadrée, est seulement fixée par de simples pinces comme celle de Njideka Akunyili Crosby chez David Zwirner.
Cette extrême contemporanéité s’apprécie encore davantage quand elle cohabite avec des œuvres d’un grand nom de l’époque moderne, tel George Mathieu chez Perrotin. « L’estate » d’un peintre devenu une valeur sûre est un faire-valoir, la promesse suggérée d’un investissement avisé.
Quant aux enseignes spécialisées dans les artistes historiques du vingtième siècle, elles ne se contentent pas toujours d’aligner les chefs-d’œuvre, mais les font souvent dialoguer entre eux, organisant des rencontres au sommet, par exemple entre Chaïm Soutine et Edward Munch à la galerie Thomas, qui fait son retour en beauté sur la foire. À la lecture des cartels, on remarque en revanche qu’il n’y a pas de règle : certains marchands placent leur nom en grand au-dessus de celui de l’artiste. D’autres font le contraire. Seuls les prix, eux, ne s’affichent pas.
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A Art Basel, les vieilles recettes marchent toujours
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