Tour d’horizon des œuvres phares de cette édition, qui dose habilement art moderne et art contemporain, suscite des approches interactives… et accueille sa première expérience de réalité virtuelle, signée Paul McCarthy.
Bâle. Pour pimenter une présentation de pièces exceptionnelles, Art Basel met l’accent sur la nouveauté et le « jamais-vu ». Entrez dans la danse : en juin, Art Basel accueillera ses visiteurs dès la Messeplatz par un « environnement performatif » sonore d’Alexandra Pirici, sous le commissariat de Cecilia Alemani. Intitulé Aggregate (2017-2019), il réunira une soixantaine de performeurs composant une chorégraphie nourrie de références à l’histoire et à la culture vernaculaire, « capsule temporelle »à consommer sur place. Sans doute une expérience dont se souviendront les visiteurs de cette édition. Art Basel, y être ou ne pas y être… Alors que la galerie David Zwirner lance, le 10 juin, « Basel Online », une version en ligne de son espace comportant des œuvres récentes de certains de ses artistes (de Harold Ancart à Lisa Yuskavage), c’est uniquement sur son stand que l’on découvrira les toutes nouvelles toiles de Luc Tuymans, dont la rétrospective se tient en ce moment au Palazzo Grassi, à Venise. Voilà bien le genre de surprise, voire de primeur, que les marchands réservent aux amateurs d’art qui font le déplacement sur les foires, sachant que celle de Bâle défend sa réputation de rendez-vous ultime.
Parmi les pièces fortes à découvrir sur le secteur principal, « Galleries », on peut signaler, aux cimaises de Pace, un tableau de la série qu’entreprit Jean Dubuffet à la suite de ses voyages au Sahara : Paysage avec promeneur saluant le public (1949). Ou cette pièce exceptionnelle du milieu des années 1970 de Franz Erhard Walther, Acht Schreitsockel (Eight Stride Pedestals) [voir ill. page suivante], entre sculpture minimaliste, art conceptuel et performance, déployée au sol de la galerie Jocelyn Wolff (Paris) – et que l’on a vue seulement, depuis sa création, dans des contextes institutionnels, musées ou biennales. Art Basel ménage en effet à nouveau un savant équilibre entre une forte proportion d’œuvres phares signées de maîtres de l’époque moderne ou de l’après-guerre et une dose satisfaisante d’art contemporain, qu’il soit estampillé de noms considérés comme des valeurs sûres ou qu’il s’offre comme la nouvelle sensation du marché. Penchant du côté de l’histoire de l’art entérinée, la galerie Tornabuoni Art (Paris) consacre par exemple l’intégrité de son stand à un cycle complet de Mappe (planisphères) d’Alighiero Boetti – une série lancée en 1971 et poursuivie jusqu’à la mort de l’artiste. Pour son entrée sur ce secteur central, la new-yorkaise P.P.O.W a concocté pour sa part un accrochage mélangeant des œuvres des années 1980 avec celles, fraîchement réalisées en 2019, d’une de ses plus jeunes artistes, Robin F. Williams, dont la peinture figurative a été décrite dans le New York Times comme évoquant aussi bien celle d’un Wayne Thiebaud dans ses effets de textures que les portraits de Georges de La Tour. En tout, ce sont 19 enseignes qui ont été sélectionnées pour la première fois sur la foire afin de lui injecter du sang neuf.
>Le secteur « Feature » aligne 24 projets mettant également en avant aussi bien le travail d’artistes historiques qu’une production plus actuelle. Parmi les temps forts, et plus que jamais d’actualité, le solo show de Tetsumi Kudo [voir ill. p. suiv.] présenté par la galerie Christophe Gaillard (Paris), nouvelle venue à Art Basel, rappelle que l’artiste explora dès les années 1960 « les possibilités existentielles pour l’humanité dans un monde de plus en plus pollué et axé sur la consommation ». Car Art Basel ne fait pas l’impasse sur les enjeux de société les plus brûlants. Ceux qui ne l’ont pas vue au centre d’art Wiels, à Bruxelles, pourront ainsi découvrir dans le cadre de « Unlimited » la puissante installation vidéo de l’artiste américaine Ellen Gallagher, Highway Gothic. Créée en collaboration avec le photographe et vidéaste néerlandais Edgar Cleijne, c’est une réflexion sur les implications écologiques et culturelles de l’autoroute 10 qui traverse le delta du Mississippi et la Nouvelle-Orléans. Tout aussi spectaculaire, dans un autre genre, sur ce secteur dévolu aux pièces XXL, l’installation interactive de sofas multicolores de Franz West présentée par David Zwirner – pièce exposée pour la dernière fois en 1994 au Museum of Contemporary Art de Los Angeles. Mais aussi cette immense arche végétale de la Franco-Canadienne Kapwani Kiwanga [voir ill.], passionnée par les questions d’anthropologie et les relations de pouvoir, que défend la Goodman Gallery de Johannesburg. Ou encore, parmi les 75 propositions réunies, la première expérience de réalité virtuelle présentée sur une foire, signée Paul McCarthy, et orchestrée par la galerie Hauser & Wirth. Objets inanimés avez-vous donc une âme ? Samuel Leuenberger, le commissaire de « Parcours », placé cette année sous l’intitulé « The Impossibility of Being a Sculpture », explique avoir voulu, à partir d’une réflexion sur l’objet inerte, « interroger les manières dont la sculpture interagit avec le public dans un contexte urbain ». Voilà qui laisse entrevoir de nouvelles approches, telle celle développée par Lawrence Abu Hamdan, que l’on avait pu apprécier l’an dernier dans le cadre de « Statements », et qui figure aussi cette année dans l’Exposition internationale de Venise. Artiste engagé, expert en investigation acoustique, en lice pour le Turner Prize 2019, Abu Hamdan intervient ici avec une installation complexe et passionnante, The Recovered Manifesto of Wissam (inaudible) (2017). Également remarquée à Venise, en particulier à l’Arsenale, pour ses grands cubes colorés façon jouets surdimensionnés, l’œuvre de l’Argentine Ad Minoliti, promue par la galerie Crèveœur (Paris, Marseille), est à découvrir parmi les 18 solo shows de « Statements ». Souhaitons enfin aux visiteurs d’avoir le temps de visionner in extenso, au Stadtkino, dans le cadre de la programmation de films d’Art Basel, le documentaire George, signé de l’artiste et réalisateur Jeffrey Perkins. Projeté l’an dernier au festival cinématographique Doc Fortnight du MoMA, à New York, il brosse, à travers de très nombreux entretiens et documents d’archives, un portrait élégamment mis en scène du génial fondateur du mouvement Fluxus, George Maciunas, et avec lui du concept d’avant-garde.
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Les « Must See » d’Art Basel 2019
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : Les « Must See » d’Art Basel 2019