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Art Basel, entre valeurs sûres et galeries fragiles

Par Stéphane Renault · Le Journal des Arts

Le 20 juin 2018 - 842 mots

La 49e édition de la foire a confirmé le dynamisme d’un marché conservateur qui profite aux méga-galeries. De nombreuses œuvres ont dépassé la barre du million de dollars.

Bâle. Dans le rapport de la banque UBS sur le marché de l’art, son auteure Clare McAndrew note que pour la première fois en dix ans, le nombre de galeries contraintes à la fermeture a dépassé celui des ouvertures en 2017. Un phénomène que l’on a pu constater de New York à Paris. Sous pression, les galeries traversent une crise, désertées par des visiteurs qui leur préfèrent désormais la fréquentation des foires. Ce phénomène de concentration du marché profite essentiellement aux méga-galeries mondialisées, qui alignent les records de ventes avec des artistes établis de premier plan. Pour les enseignes de petite et moyenne gamme, qui jouent un rôle crucial de révélateur de talents émergents, participer aux foires implique des frais considérables qui pèsent sur leur trésorerie. D’autant plus à Bâle, même si le retour sur investissement en matière de ventes et de nouveaux contacts peut permettre de rentabiliser la mise de départ. Dans les allées d’Art Basel, le sujet était sur toutes les lèvres. Son directeur Marc Spiegler en personne reconnaissait les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses galeries tout en se refusant à accepter des exposants qui auraient renoncé à conserver un espace pour ne participer qu’aux foires, un pas que s’apprête à franchir Frieze Art Fair.

Une stratégie gagnante

Dans le secteur Galleries, qui regroupe les plus importantes galeries d’art moderne et contemporain internationales, les poids lourds du marché faisaient part de ventes importantes dès les premières heures, durant le preview« First Choice VIP », réservé aux collectionneurs les plus fortunés. Une des forces de la foire, qui consacre une équipe d’une trentaine de personnes sillonnant la planète tout au long de l’année à la prospection de nouveaux clients potentiels et aux relations avec les collectionneurs. Pace affirmait ainsi avoir vendu l’une des pièces centrales sur son stand, un portrait de Judy Garland par Warhol (1978). Également, une toile signée Agnès Martin de 2002 pour 3 millions de dollars, une autre de David Hockney, Dog painting (1995) pour un montant de 1,6 million de dollars. Le lendemain, la galerie a trouvé acquéreur pour un Jean Dubuffet de 1952 à 1,7 million de dollars. Hauser & Wirth annonçait la vente, pour 2,5 millions de dollars, de Battle (2017) de Mark Bradford, dont les peintures ont investi le pavillon américain lors de la dernière Biennale de Venise ; également, celle d’une composition (1969) de Joan Mitchell pour la bagatelle de 14 millions de dollars. La peintre expressionniste abstraite était aussi à l’honneur chez Lévy Gorvy, qui a cédé pour un montant comparable une autre de ses toiles (1959). Chez Tornabuoni Art, son directeur Michele Casamonti confiait avoir trouvé acquéreurs pour deux des six splendides « Plastiche » de Alberto Burri, sans toutefois souhaiter communiquer les prix. La galerie Perrotin qui montrait avec Simon Lee des toiles de Bernard Frize reportait également de bonnes ventes. Jay Gorney, directeur de Paula Cooper, confiait avoir vendu une structure de Sol LeWitt en dessous du million de dollars, une pièce de Christian Marclay pour un demi-million de dollars. Chez Templon, si l’œuvre de Viallat à Unlimited n’a pas été vendue, sa présentation a provoqué un regain d’intérêt pour les bâches peintes du pionnier de Supports/Surfaces avec plusieurs œuvres vendues dès le premier jour sur le stand entre 20 000 et 60 000 euros. Georges Mathieu, dont la galerie présentera pour la première fois une exposition à Paris (consacrée à la période 1969-1975) à la rentrée de septembre, a connu un beau ­succès avec des peintures historiques parties entre 90 0000 et 120 000 euros. Idem pour l’artiste allemand Franz Ackermann avec ses compositions en plans éclatés mêlant éléments d’architecture et formes abstraites dans une explosion de couleurs (fourchette de prix 40 000-125 000 euros). Templon a en outre cédé une œuvre inédite de Kehinde Wiley, inspirée de Goya, avec un jeune modèle haïtien mis en scène en Saint Grégoire le Grand (250 000 dollars). Thaddaeus Ropac a quant à lui vendu, entre autres, un Robert Rauschenberg de 1990 à un collectionneur européen pour 1 million de dollars.

Dans le secteur Statements, Suki Seokyeong Kang (One and J., Séoul) remportait le Baloise Art Prize avec Lawrence Abu Hamdan (mor ­charpentier, Paris). Le secteur Feature réservait de belles surprises, à l’instar des sculptures de bibliothèques de Rachel Whiteread chez Galleria Lorcan O’Neill de Rome ou encore les œuvres de Lubaina Himid chez Hollybush Gardens. « Il y a un indéniable effet Turner Prize qui focalise l’attention sur son travail. Le New York Times lui a consacré un portrait, ce qui l’a fait connaître des collectionneurs américains. Cette visibilité est une bonne chose, c’est une artiste qui dit des choses importantes », confiait Malin Stahl, directrice de la galerie, qui avait vendu plusieurs peintures sur des pages du Guardian (6 000 £ chaque), un tableau sur bois intitulé Man in a really Useful Drawer (30 000 £) et un grand tableau, Ball on Shipboard (110 000 £).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : Art Basel, entre valeurs sûres et galeries fragiles

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