PARIS
Le succès de la Fiac repose en grande partie sur la présence de cinq mille collectionneurs. Aussi, la foire déploie un système bien huilé pour les attirer, avant d’être aux petits soins pour eux pendant leur séjour.
Sur la scène internationale, la Fiac est de plus en plus sous les feux des projecteurs. Si les meilleures galeries font partie intégrante de la manifestation, il en va naturellement de même des VIP. Faire venir et fidéliser un réseau de collectionneurs actifs est le moteur de toute foire. Jennifer Flay, directrice de la Fiac, précise : « Nous avons besoin de quelque 5 000 personnes qui sont activement dans une phase d’achat pour que la Fiac fonctionne à tous les niveaux de marché, et pendant toute la durée de l’événement. »
Les plus grosses ventes (d’un montant environ de 6 à 8 millions d’euros hors prix exceptionnel) sont souvent réalisées le premier jour, mais les achats se poursuivent toute la durée de la foire, notamment le week-end, qui voit arriver les collectionneurs des pays frontaliers. Quelle stratégie déployer alors vis-àvis des VIP pour un tel événement dans un environnement international très concurrentiel ? Pour Jennifer Flay, nommée en 2003 alors que la foire était en perte de vitesse et absente sur le plan international, la réponse est simple : « Nous attirons les collectionneurs d’abord par la qualité de ce qui est présenté. On m’a beaucoup dit lors de mon arrivée qu’il fallait payer des billets d’avion ou des chambres d’hôtel, mais j’ai toujours refusé de mettre en place ce type de stratégie », explique l’ex-galeriste. La qualité croissante de la foire a permis de hausser sa place au sein d’un marché de l’art globalisé. « La Fiac a beaucoup amélioré sa qualité, elle montre aujourd’hui l’excellence de la place de Paris », confirme la collectionneuse française Patricia Laigneau. « L’arrivée de Jennifer Flay à la tête de la Fiac a fait une réelle différence, peut-être parce qu’ayant elle-même tenu une galerie, elle satisfait parfaitement les attentes et la curiosité d’esprit des collectionneurs », constate Fatima Maleki, collectionneuse iranienne installée à Londres.
Liste d’invités
Comment viennent ces VIP ? Le fichier clients de la foire, renseigné de façon très précise à chaque édition, est au cœur du système. Tous les ans, les galeries sélectionnées sont invitées à nommer une poignée de collectionneurs, dont le nombre varie selon l’importance du marchand. Une liste d’invités est dressée après réponse des galeries à une enquête concernant ces collectionneurs – le questionnaire porte sur les artistes présents dans la collection, les différentes galeries où ils achètent, les musées auxquels ils sont liés. Depuis l’an dernier, des ambassadeurs de la Fiac travaillent également toute l’année dans plusieurs zones géographiques (États-Unis, Moyen-Orient, Brésil et pays d’Amérique latine hispanophone cette année) pour susciter de nouveaux contacts tant chez les collectionneurs que parmi les dirigeants d’institution.
Ce sont ainsi 5 000 personnalités triées sur le volet – segmentées entre les invités d’honneur, soit le haut du panier, et les VIP – qui bénéficient d’un certain nombre de privilèges à la Fiac. Tout commence par l’envoi d’un « VIP package », comprenant un pass, un guide de Paris très léché et un programme fort prisé proposant des visites d’institutions publiques comme de collections privées. La programmation des lieux culturels parisiens est en effet un atout de taille pour faire venir les collectionneurs, ces musées, fondations et centres d’art prévoyant désormais la tenue d’événements exceptionnels lors de la semaine de la Fiac. « Cela a été un travail de longue haleine, mais dès 2006-2007, j’ai reçu des coups de téléphone d’institutions qui me demandaient les dates de la Fiac de l’année suivante, rappelle Jennifer Flay. Petit à petit, nous sommes arrivés à une situation où la Fiac est devenue l’événement structurant du dernier trimestre. C’est une position légitime. »
Concergierie externe
C’est tout un écosystème qui permet aujourd’hui d’attirer les collectionneurs. Laurence Dreyfus, art advisor (conseillère en art), explique : « Une foire seule ne suffit pas à faire événement pour faire venir les VIP dans une période si concurrentielle entre chaque foire, surtout en octobre. Il doit y avoir des expositions exceptionnelles pour que les collectionneurs décident d’aller à Paris plutôt qu’à Londres. » Cette année promet à cet égard un cru exceptionnel, entre les réouvertures de la Monnaie de Paris et du Musée Picasso, sans oublier l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton. La ville elle-même est ainsi l’un des atouts de poids de la foire.
Les hôtes de prestige bénéficient sur place d’un avantage de taille : un accès en avant-première à la foire ; celui-ci est divisé entre invités d’honneur et VIP, la foire s’étant rapidement heurtée à un problème de jauge. Les invités d’honneur peuvent se présenter la veille de l’ouverture officielle dès 10 heures, les VIP à partir de 14 heures seulement. Quant aux détenteurs d’une invitation traditionnelle, ils doivent se contenter d’un accès à 17 heures et d’espaces rapidement bondés. Une entrée spécifique, appréciée des collectionneurs, est également proposée tout au long de l’événement. « Il est très pratique d’avoir cette entrée spéciale au moment où il y a une affluence terrible, mais si je peux j’y vais le matin », témoigne Patricia Laigneau.
Un ensemble de partenariats prestigieux est également mis en place, offrant tant des invitations dans des instituts de soin qu’un accueil et des tarifs particuliers dans certains hôtels. Une « cellule VIP » composée de quatre personnes coordonne le système et une conciergerie externe est mise à disposition des précieux invités. Barnett Consulting traite ainsi une centaine de demandes par jour, gérées par une équipe de vingt personnes. Tout ce qui peut faciliter le séjour est proposé : de la réservation de jets privés à celle d’une table dans un restaurant affichant complet ou de loges à l’Opéra. Jusqu’où ces services peuvent-ils s’étendre ? « Nous ne disons jamais non à un client, la seule limite est l’illégalité. L’extravagance nous fait vibrer. Nous sommes très intimes avec ces VIP, nous connaissons tout d’eux, c’est une relation de long terme », raconte Amy Barnett, directrice générale de la société qui collabore avec la Fiac depuis près de quinze ans.
L’accès à ces privilèges est plus sélectif aujourd’hui sous l’effet de la montée en puissance de la Fiac. « Il y a moins de nominations possibles ces dernières années, même si cela n’est pas limité catégoriquement », témoigne un galeriste. « Je constate que le contrôle de la foire va croissant sur ces invités. Certains collectionneurs veulent par exemple rester anonymes et la Fiac ne le souhaite pas forcément », renchérit Laurence Dreyfus.
L’atout « Paris »
La foire déploie ainsi un système très bien rodé qui porte ses fruits. Mais qu’en pensent les intéressés au regard des grandes foires internationales, d’Art Basel à Frieze London ? Outre certains points concernant la salle VIP ou le restaurant, la satisfaction est tangible. « La Fiac est une foire très élégante, d’une grande qualité artistique, sa taille est beaucoup plus attractive que “Bâle” ou Frieze, témoigne Fatima Maleki. Paris est devenue une scène tellement dynamique et variée pour l’art contemporain depuis cinq ou six ans. La foire le reflète de façon évidente. Le lieu est tout à fait inspirant : découvrir un jeune artiste pour la première fois tout en se promenant dans ce bâtiment magnifique qu’est le Grand Palais est vraiment une expérience unique. » De son côté, Patricia Laigneau constate : « À Paris tout le monde joue le jeu, y compris les institutionnels, il me semble plus qu’à Londres pendant Frieze. » L’un des meilleurs atouts de la Fiac contre ses concurrentes reste décidément Paris.
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Les VIP, moteurs de la Fiac
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°421 du 17 octobre 2014, avec le titre suivant : Les VIP, moteurs de la Fiac