PARIS
PARIS [20.10.14] - La première séquence de la programmation des expositions de la Fondation Vuitton qui ouvre au public le 24 octobre laisse la part belle au bâtiment de Frank Gehry. Point d’accumulation de stars internationales mais quelques œuvres pertinentes dont celles de plusieurs artistes français.
« Le bâtiment oblige ! » Avec ces trois mots tranchants Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton, à Paris, n’a pas caché la qualité de l’édifice qu’elle a désormais la charge d’occuper avec sa programmation. Les onze galeries de tailles très diverses réparties entre les différents niveaux de l’édifice, dont dix disposent d’un apport de lumière naturelle, se montrent en effet remarquables en termes de volume et d’usage potentiel. Il y a manifestement eu écoute et compréhension mutuelle avec un architecte qui goûte peu l’angle droit et a livré dans d’autres musées des espaces très difficiles à occuper ; Frank Gehry qui pour l’ouverture déclarait d’ailleurs avec humilité que « le lieu n’est pas terminé et est ouvert au changement, il peut devenir autre chose », manière d’insister sur le fait que c’est désormais aux artistes et commissaires d’expositions de s’en emparer.
Pour l’inauguration, Gehry est néanmoins traité en majesté, avec dans une vaste salle une exposition dédiée à la genèse et aux différentes phases d’évolution de son bâtiment, qui sera visible jusqu’au 16 mars. En outre, c’est très subtilement que quelques commandes et œuvres de la collection ont pris place par ailleurs, afin de laisser s’exprimer l’architecture, ce qui peut-être fera couler chez certains esprits chagrins quelques larmes de frustration.
Il y a pourtant à voir, et du beau, dans cette première séquence d’« Ouvertures », certes dévoilant des noms consacrés mais sans pour autant s’appuyer sur les mêmes superstars sempiternellement visibles dans les fondations privées et auxquelles le visiteur pourrait s’attendre. Si l’on peut augurer que leur tour viendra, habilement il n’y a pour l’instant point de Koons ou de Murakami à l’horizon, mais un très bel ensemble de Gerhard Richter, toutes époques et séries confondues, où se détache un paysage marin de 1969 (Seascape), une toile grise de 1973 et un grand tableau de la série des Abstraktbild daté de 1990. Ellsworth Kelly, qui a également fait l’objet d’une commande pour l’auditorium dans lequel un rideau de scène recrée un spectre coloré en douze panneaux (Spectrum VIII, 2014) est rejoint par cinq toiles de formats et couleurs différents qui flottent telles des notes dans l’espace (Color panels (Red Yellow Blue Green Purple), 2014), a installé dans une salle très intimiste un ensemble de toiles en relief des années 2008-2009.
Non loin de là lui répond finement Bertrand Lavier, avec l’une de ses immenses compositions en néon imitant des tableaux de Frank Stella (Empress of India II, 2005). C’est l’une des agréables surprises de cette dispersion d’œuvres, de voir que les artistes français n’ont pas été laissés de côté puisque Dominique Gonzalez-Foerster, Christian Boltanski et Pierre Huyghe, avec son célèbre film A Journey That Wasn’t (2005) s’inscrivent dans le parcours.
Au détour d’un couloir, des téléphones laissés là par John Giorno déclament des poèmes à qui décroche un combiné (Dial-A-Poem, 1968-2012), tandis que le jeune Oliver Beer s’est emparé d’une salle dans laquelle des chanteurs stimulent les vibrations de l’édifice (Composition for a New Museum, 2014).
Un édifice qui a inspiré les commandes passées à une dizaine d’artistes, avec au final des propositions d’un inégal intérêt. Si Taryn Simon, qui tente de délivrer une mémoire du chantier -à travers la documentation de traces laissées ou enfouies par ceux qui ont œuvré à la construction- peine à captiver (A Polite Fiction, 2014), Cerith Wyn Evans hypnotise avec au plafond une légère structure à laquelle s’accrochent vingt flûtes de verre contrôlées par un ordinateur (A=F=L=O=A=T, 2014). Et Olafur Eliasson, qui au mois de décembre se verra consacrer une exposition personnelle et dont l’ascenseur aveugle et sourd installé au Centre culturel Louis Vuitton des Champs-Elysées plonge toujours dans un abîme de perplexité, est là formidablement parvenu à occuper l’espace longeant le bassin qui borde l’une des façades, avec une colonnade instaurant des jeux de lumières et de reflets (Inside the Horizon, 2014).
« La collection, qui se veut de parti-pris, est en cours d’élaboration », insiste Suzanne Pagé, promettant que de nouvelles œuvres seront dévoilées au mois de décembre et mars prochains, lors des deux autres phases des manifestations d’ouverture.
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La Fondation Vuitton soulève un coin du voile sur sa collection
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