Le Musée des Confluences couvre honorablement la thématique du rêve sous différents angles.
![Hans Op de Beeck, Mon lit est un radeau, la chambre est la mer, et puis j'ai ri d'une certaine tristesse en moi, 2019, vue de l'exposition « Le temps d'un rêve » au Musée des Confluences. © Bertrand Stofleth © Adagp Paris 2025](/sites/lejournaldesarts/files/styles/libre_w468/public/2025-02/hans-op-de-beeck-mon-lit-est-un-radeau-chambre-mer-ri-tristesse-2019-exposition-temps-reve-2025-musee-confluences-lyon-copyright-photo-bertrand-stofleth-adagp.jpg?h=a6da41a2&itok=Ix9xxTyE)
© Adagp Paris 2025
Lyon. Le Musée des Confluences affronte un sujet himalayesque qui n’avait jamais vraiment fait l’objet d’une exposition d’envergure, et pour cause : le rêve. Fidèle à sa mission, il en gravit les pentes par plusieurs faces à la fois : scientifiques, culturelles, artistiques. Yoann Cormier, son commissaire, s’en tire plutôt bien, même si certaines sections auraient mérité plus d’espace pour mieux développer leur propos.
C’est notamment le cas de la première salle qui prend la forme d’un laboratoire pour expliquer ce que sont les rêves. Comme toute l’exposition (si ce n’est la dernière section), elle baigne dans une obscurité qui plonge le visiteur dans une ambiance mystérieuse naturellement adaptée au monde onirique. Pour habiller le hall, la scénographie projette en hauteur des images conçues par intelligence artificielle avec une bande-son très « sous-marine ». Il faut du temps pour lire les textes écrits (en trop petits) directement sur les cimaises, dans lesquels, on apprend, par exemple, que l’on rêve dans toutes les phases du sommeil et pas simplement pendant le sommeil paradoxal.
Le parti pris est résolument grand public avec une dimension ludique et familière assumée. Ainsi chaque section comporte un divan permettant d’écouter des récits ou de la musique. Ce dispositif a priori peu compatible avec un grand nombre de visiteurs, fonctionne, de même que la circulation du public dans les salles en dépit de l’affluence. Le sommet de cette volonté conviviale et participative se trouve dans la dernière salle où le public est invité à traduire en image une proposition, un rêve, un fantasme qu’il énonce dans un micro et qu’une IA générative interprète sous forme d’une illustration, elle, visible par tous.
![Vue de l'exposition « Le temps d'un rêve » au Musée des Confluences. © Bertrand Stofleth](/sites/lejournaldesarts/files/styles/libre_w800/public/2025-02/exposition-temps-reve-musee-confluences-lyon-copyright-photo-bertrand-stofleth.jpg?h=a6da41a2&itok=TPSlcAO1)
Outre la sélection des thèmes, la difficulté principale des expositions sur des phénomènes humains réside dans les artefacts exposés qui doivent illustrer au mieux le propos. Là aussi, l’exposition franchit honorablement les cimes. Grâce à la peinture « pompier » du XIXe, riche en anecdotes plus ou moins historiques, elle peut présenter un tableau (d’Auguste Gendron) approprié pour expliquer le rituel de la Grèce antique de l’incubation dans lequel des malades dorment dans des temples sacrés, espérant recevoir en rêve des instructions ou des guérisons directes d’Asclépios.
La section la plus originale est aussi celle qui présente le plus d’objets : nombreuses sont les civilisations extra-européennes à concevoir le rêve comme une instance de rencontre entre les vivants et les morts. De là, le parcours fait un pas de côté vers la modification des états de conscience (sous drogue par exemple), au motif que pour certaines populations ce sont des rêves, ouvrant la voie à une iconographie chamanique.
![Vue de l'exposition « Le temps d'un rêve » au Musée des Confluences. © Bertrand Stofleth](/sites/lejournaldesarts/files/styles/libre_w800/public/2025-02/exposition-temps-reve-musee-confluences-lyon-copyright-photo-bertrand-stofleth-2025.jpg?h=a6da41a2&itok=52Qsadmk)
Plus attendue est la section sur les représentations du rêve par les artistes, qui aurait sans doute été plus étoffée dans un musée de beaux-arts (par exemple en donnant plus de place au surréalisme). Mais dans un musée de civilisation et de société, ce n’est que l’un des aspects. Le musée a naturellement mis en évidence les symbolistes et Odilon Redon (1840-1916) qui entourent une vaste sculpture contemporaine de Hans Op de Beeck (né en 1969), représentant une jeune fille s’endormant dans un lit au milieu d’une étendue d’eau pleine de nénuphars [voir ill.].
Si des divans occupent chaque section (encore que ce sont des divans pour deux personnes et où l’on écoute plutôt que de parler, contrairement au divan freudien), la dernière section, celle consacrée à la psychanalyse est moins démonstrative. Les murs reproduisent une bibliothèque, comme s’il fallait habiller une salle un peu vide. Il y aurait eu pourtant beaucoup à raconter sur les rêves « voie d’accès à l’inconscient » et l’expression des pulsions. La sexualité est d’ailleurs fort peu présente dans l’exposition (en raison du public familial) alors que succubes et incubes hantent de nombreux rêves ou cauchemars.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°648 du 31 janvier 2025, avec le titre suivant : Une exposition sur le rêve qui donne envie d’aller plus loin