Art moderne

Néo-impressionnisme belge

Par Suzanne Lemardelé · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2012 - 710 mots

Le Musée de Lodève ouvre ses espaces à Théo Van Rysselberghe, ce disciple méconnu de Seurat et Signac qui affectionne le genre du portrait.

Depuis une quinzaine d’années, le Musée de Lodève mène une politique d’expositions principalement dédiée aux artistes du début du XXe siècle. Après Gauguin en 2010, Bonnard en 2009 ou Berthe Morisot en 2006, c’est cette année Théo Van Rysselberghe (1862-1926) qui est mis à l’honneur de la présentation estivale. Une réelle nécessité pour Ivonne Papin-Drastik, la directrice du musée et commissaire générale de l’événement, qui rappelle que l’artiste belge n’a fait l’objet d’aucune exposition monographique en France depuis 1963 (Galerie de l’Institut Pogu). Pour réparer cette « véritable injustice », pas question cependant d’organiser une rétrospective : l’exercice avait déjà été réalisé en 2006 au Palais des beaux-arts de Bruxelles, bien qu’il n’ait pas franchi la frontière française.

Matérialité de la couleur
À Lodève, le propos se concentre sur les années 1886-1920, les « plus productives » de l’artiste selon les deux commissaires. Au début de cette période, l’ancien élève des Beaux-Arts de Gand découvre le Dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte (1884-1886), de Georges Seurat. Choc esthétique. Van Rysselberghe, ébloui quelques années plus tôt par le soleil du Maroc, est fasciné par cette technique néo-impressionniste et la lumière qu’elle engendre. Dès l’année suivante, il invite Seurat et Signac à exposer au Salon des XX, ce groupe belge formé sur le modèle du Salon des refusés parisien. Le néo-impressionnisme s’exporte alors en Belgique et Théo Van Rysselberghe adopte sa touche divisée. Il la mêle à une formation académique de tradition flamande et à un intérêt pour les procédés photographiques de son temps dans une synthèse parfois étonnante. Une évolution qu’illustre très bien la première salle de l’exposition. Aux couleurs mélangées et terreuses de ses débuts succèdent les cadrages quasiment photographiques de ses marines et le pointillisme très personnel du Portrait d’Alice Sèthe (1888). Le tableau, encensé par la critique lors de sa présentation, porte en lui toute la spécificité de la peinture de Van Rysselberghe : une technique novatrice mais un sujet classique. En grande tenue dans un intérieur bourgeois, la jeune fille semble scintiller sous les pastilles de lumière dont le peintre parsème sa toile. Si les artistes français ne jurent que par la peinture de paysage, leur confrère belge restera toute sa vie attaché au genre du portrait. Cet intérêt pour le sujet humain se retrouve dans les nus qu’il commence à peindre à partir de 1905. Le Ruban écarlate (1906), image d’une rousse incendiaire face à son miroir, irradie tout l’espace de la deuxième salle. Partout la couleur vibre, diffusant sur le corps du modèle lumière et ombres vertes. Pour rendre au mieux la vie de ses personnages, le peintre délaisse rapidement le pointillisme pur, trop figé, trop contraignant. Chez lui la couleur ne dissout pas les formes, elle les sculpte. Cette matérialité est toujours présente dans les tableaux des années de guerre, alors que Van Rysselberghe renoue comme beaucoup d’artistes avec le classicisme. On retrouve dans l’hommage aux grands maîtres qu’est Modèle au repos, Maud (1914) les reflets verts des corps néo-impressionnistes. Quant à ses Baigneuses (1920), elles ne sont pas des créatures mythiques, héroïnes d’un paradis perdu, mais de vraies femmes, portant parfois des bonnets de bain.

Artiste intégré à plusieurs cercles, personnalité appréciée par beaucoup, Théo Van Rysselberghe entretenait des relations d’amitié avec de nombreuses figures du monde de l’art. Un petit cabinet consacré aux arts graphiques permet d’en découvrir les témoignages. Des portraits de sa femme, mais aussi des écrivains Émile Verhaeren, André Gide ou encore de la cantatrice Laure Fle nous font pénétrer dans l’intimité de ce peintre dont Maurice Denis disait : « C’était le plus sûr des amis ; il était droit, modeste et bon. »

Theo van rysselberghe, l’instant sublimé

- Commissaire générale : Ivonne Papin-Drastik, directrice du Musée de Lodève

- Commissaire associée : Nicole Tamburini, historienne de l’art

- Nombre d’œuvres : environ 80

Jusqu’au 21 octobre, Musée de Lodève, hôtel du cardinal de Fleury, square Georges-Auric, 34700 Lodève, tél. 04 67 88 86 10, www.lodevoisetlarzac.fr, tous les jours sauf lundi, 10h-18h, nocturne jusqu’à 22h tous les mardis jusqu’au 21 août. Catalogue, Éditions midi-pyrénéenne, Portet-sur-Garonne, 240 p., 36 €, ISBN 978-2-9537602-3-1.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Néo-impressionnisme belge

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