Coiffée d’un chignon agrémenté d’une épingle à cheveux, cette Tête de femme vue de dos peinte vers 1870-1875 dont la nuque, légèrement dénudée, laisse apparaître l’attache de son collier, semble ressentir la présence de celui qui l’observe.
« Les portraits ne nous regardent pas toujours avec les yeux », souligne, non sans malice, Rémi Cariel, directeur du Musée Magnin, à Dijon, où la toile est conservée. Pour porter un regard neuf sur la collection réunie par Jeanne et Maurice Magnin – dont l’ensemble compte 1 000 peintures, 650 dessins, du mobilier et des objets d’art –, le conservateur a imaginé un parcours sur le thème du portrait, dont il explore les multiples possibilités du XVIIe au XIXe siècle. Nombre d’œuvres aujourd’hui présentées ont été sorties des réserves et restaurées pour l’occasion. « La collection Magnin comprend beaucoup de tableaux intimes, des formats réduits, et ont souvent pour auteurs des peintres anonymes. Leur choix se portait sur des portraits d’expression et non mondains. Le thème du visage, les frontières parfois très tenues entre portraits et tête d’étude, s’est donc imposé assez naturellement. Il est abordé à travers une double démarche : une approche historique et un regard plus plastique, plus contemporain », explique Rémi Cariel.
Autoportraits, figures à la limite de la caricature, portraits plus intimes libérés des contraintes de la commande, visages de trois quarts, profils qui se jaugent et se répondent par le jeu subtil de l’accrochage constituent une charmante galerie à travers les espaces du musée. Le Portrait de Ferdinand Barrot (vers 1867) d’Adolphe Yvon et La Petite Mangeuse de cerises (2e moitié du XIXe siècle) d’Auguste Boulard père se font ainsi face, tandis que La Jeune Femme en fichu et dentelles (vers 1840), d’un anonyme, toise la Femme en robe décolletée (vers 1875) peinte par Carolus-Duran, une œuvre inattendue pour cet artiste surtout connu pour ses grands portraits officiels – et un choix typique des Magnin.
Attributions et désaveux
L’étude des collections s’est accompagnée de son lot d’attributions – tel le Portrait de Franz Balthasar Schönberg von Brenkenhoff (vers 1775) signé Christian Friedrich Reinhold Lisiewski – mais aussi de désaveux. Ainsi la délicate Tête de femme vue de dos que les Magnin avaient attribuée à Alfred Stevens est-elle retombée dans l’anonymat. Les analyses infrarouges ont, en revanche, permis d’attester la signature de Prud’Hon dans la couche picturale de ce Portrait d’homme du début du XIXe siècle. La confrontation du tableau de Claude Lefèbvre (1632-1675) Catherine, fille aînée du peintre peignant son petit frère (vers 1670-1675) avec le Portrait de Madame de Sillery et de son fils (même date), conservé à Dole, a confirmé qu’il s’agissait bien du même artiste. Et Rémi Cariel ne s’interdit pas de penser, désormais, que le Portrait d’homme daté aux alentours de 1670-1690 a pu être réalisé par Philippe de Champaigne. Pour rompre la monotonie que pourrait, à la longue, créer cette enfilade de portraits, des incursions contemporaines viennent titiller l’œil du visiteur. Les photographies de Virginie Marnat-Leempoels s’intègrent ainsi au parcours de manière audacieuse et justifiée. Elles font ressortir certains éléments des tableaux, créent de nouvelles correspondances, provoquent le public pour l’inciter à renouveler son regard.
Jusqu’au 7 octobre, Musée Magnin, 4, rue des Bons-Enfants, 21000 Dijon, tél. 03 80 67 11 10, www.musee-magnin.fr, tlj sauf lundi, 10h-12h et 14h-18h. Catalogue, éd. Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 144 p., 120 ill., 28 €, ISBN 978-27118-5930-6.
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Mille et un visages
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Mille et un visages