«Misia. Reine de Paris » n’est pas le titre du nouveau spectacle des Folies-Bergère mais celui de la petite exposition que consacre le Musée d’Orsay à Misia Natanson Edwards Sert, née Godebska. Reine de Paris, Misia le fut assurément.
Rares sont les muses qui ont su rester dans l’œil du cyclone de la création aussi longtemps – la liste des peintres, musiciens et écrivains qu’elle a côtoyés donne le tournis ! Citons pêle-mêle Franz Liszt, ami de la famille ; Gabriel Fauré, qui lui donne des leçons de piano ; Henrik Ibsen, qu’elle rencontre à Oslo alors qu’elle accompagne la troupe du théâtre de l’Œuvre menée par Lugné-Poë en Norvège ; Marcel Proust qui s’en inspire pour le personnage de la princesse Yourbeletieff dans sa Recherche, ou encore sa grande amie Gabrielle Chanel.
Née à Saint-Pétersbourg en 1872 et élevée à Bruxelles, fille d’un sculpteur d’origine polonaise, Misia entre de plain-pied dans l’intelligentsia parisienne de la fin du XIXe siècle lorsqu’elle épouse Thadée Natanson, cofondateur de la Revue Blanche. En 1895, Henri de Toulouse-Lautrec immortalise son minois au menton pointu en première page de la revue artistique et littéraire. Comme l’illustre la première (et plus belle) salle du parcours de l’exposition, la pianiste polonaise a le don de rendre les collaborateurs de son mari fous d’elle. Devant la galerie de portraits sensuels, mystérieux et pour certains célèbres qu’ont réalisés Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, et surtout Félix Vallotton, de celle qui les a accueillis « à bras ouverts » dans le cercle familial, le magnétisme de l’égérie de cette fin de siècle est perceptible.
Rythmé par l’évocation de ses affaires de cœur – un second mariage avec le magnat de la presse Alfred Edwards, un troisième avec le peintre décorateur José-Maria Sert, des amitiés sulfureuses et des ménages à trois –, le parcours de l’exposition mêle habilement œuvres et photographies biographiques pour créer le portrait intime et romanesque de cette grande prêtresse-entremetteuse du Tout-Paris. Mais, aussi spectaculaires soient les costumes de Parade, la partie portant sur les Ballets russes dont Misia était mécène déborde du champ d’étude, qui n’est jamais plus intéressant que lorsqu’il se concentre sur son personnage de muse. Comme ces photographies signées Horst de sa silhouette frêle, mangée par les drogues, ou ce collier de perles qu’elle avait cédé à l’actrice Geneviève Lantelme, maîtresse d’Edwards, dans l’espoir resté vain de récupérer son mari volage.
(1) avec des documents photographiques vus et revus à l’occasion du centenaire de la compagnie de Serge de Diaghilev et de la récente « Dansez sa vie » au Centre Pompidou, à Paris.
MISIA, REINE DE PARIS
- Commissaires : Isabelle Cahn et Marie Robert, conservatrices au Musée d’Orsay
- Scénographie : Virginia Fienga
- Itinérance : Musée Bonnard, Le Cannet, oct. 2012-janv. 2013
Jusqu’au 9 septembre, Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’Honneur, 75007 Paris, tél. 01 40 49 48 14, www.musee-orsay.fr, tlj sauf lundi 9h30-18h, 9h30-21h45 le jeudi. Catalogue, coédité Musée d’Orsay/Gallimard, 192 p., env. 100 ill., 35 €, ISBN 978-2-07013819-7.
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Misia, reine de cœur
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Misia, reine de cœur