Art contemporain

Les rêves de sable de Théo Mercier

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 9 septembre 2021 - 483 mots

AVIGNON / FRANCE

La Collection Lambert accueille le travail hybride du plasticien et metteur en scène parisien : une déambulation autour de monumentales et fragiles sculptures de sable.

Avignon. Au sous-sol de la Collection Lambert, l’exposition « Outremonde » se visite comme les coulisses d’un théâtre. Du 10 au 20 juillet, pendant le Festival d’Avignon, une vingtaine de représentations se sont en effet déroulées devant un public restreint dans ce paysage orchestré par l’artiste et metteur en scène Théo Mercier. Ce dernier a réalisé ici pour la première fois son désir de réunir la boîte noire du théâtre et la blancheur immaculée du white cube, le spectacle vivant et l’espace d’exposition, comme l’envers et l’endroit d’un même imaginaire, mais aussi comme une dimension en soi : une zone grise.

Cette zone indéterminée désigne également selon lui le flou qui entoure le statut de ses collaborateurs. Selon qu’ils sont assistants passés par les Beaux-Arts ou intermittents du spectacle, leur régime n’est pas le même, leur relation à la précarité non plus. Comment structurer un studio qui est aussi une compagnie ? Théo Mercier veille à ce que son équipe soit salariée sur les mêmes bases. Cela n’est pas anodin. Il s’interroge également sur la place à accorder à ce collectif et sur les modalités de production.

Œuvres éphémères

Pour ceux – et c’est notre cas – qui n’ont pas assisté au spectacle, « Outremonde » se présente comme un parcours de sculptures de sable échouées au fil d’une rêverie sans paroles. Un pied géant, un chien couché qui dévisage les visiteurs, un fronton de temple écroulé évoquant une architecture chimérique, une forêt de troncs d’arbres… Çà et là, des sphères noires réfléchissantes évoquent autant des objets de surveillance que des mondes en réduction. Une partition sonore et lumineuse anime cet environnement désert où l’on circule librement : au-delà du texte d’introduction, aucun cartel n’accompagne la déambulation.

Matière mouvante, le sable – ici compressé à l’extrême – est appelé à retourner à son état naturel : il ne restera rien de ces pièces qui n’ont pas vocation à être commercialisées et ont été réalisées dans ce matériau naturel très économique. « Le sable ne coûte rien, 90 % du budget de production a été consacré aux savoir-faire, c’est une façon de les valoriser », explique Théo Mercier. « Outremonde » est ainsi le fruit d’une réflexion esthétique nourrie par des questions de société et des préoccupations environnementales, un projet hybride qui expose son arrière-plan politique, au sens large. Tout en embrassant de vastes – mais vagues – interrogations existentielles : la dernière partie du parcours prend place dans l’auditorium de la fondation, où une voix enfantine égrène des questions. « C’est quoi voir ? Est-ce que j’ai bien vu ? Est-ce que le monde existe quand on ne le regarde pas ? » La fin de l’exposition, le 26 septembre, marquera celle d’un premier chapitre : il doit y en avoir quatre, à raison d’un par an, qui verront les acteurs performeurs, et donc les personnages, vieillir, grandir. Comme nous ?

Outremonde, Théo Mercier,
jusqu’au 26 septembre, Collection Lambert, 5, rue violette, 84000 Avignon.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : Les rêves de sable de Théo Mercier

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