AVIGNON
La Collection Lambert célèbre les vingt ans de sa présence à Avignon avec une exposition quasi institutionnelle qui rend hommage au beau parcours du galeriste.
Avignon. C’est à l’histoire de la galerie Yvon Lambert que renvoie cette exposition très solennelle célébrant les vingt ans de la Collection Lambert à Avignon – soit un fonds de plus de cinq cents œuvres données à l’État pour dépôt permanent (sur un total de 2 000 environ). Résumée ici à la présentation de seize artistes de générations différentes, cette histoire est faite d’intuitions, de rencontres et de ruptures. En 1969, Yvon Lambert expose ainsi coup sur coup le travail de Richard Long, Robert Ryman et Brice Marden, tous trois inconnus en France. Cette orientation américaine et cette prédilection pour les œuvres conceptuelles marquent la ligne éditoriale de la galerie pendant une décennie.
Pour cette exposition anniversaire, c’est à travers une sélection d’œuvres de Sol LeWitt, de Donald Judd – auquel Lambert ne consacra cependant jamais de solo show – et de Robert Barry qu’est évoquée cette période radicale, lorsqu’Yvon Lambert expose des œuvres « invendables » et multiplie les allers-retours entre Paris et New York, nouvelle capitale de l’art.
Pour faire le pont entre les tenants du minimalisme américain et les autres (Richard Tuttle et ses déconcertants et délicats assemblages, Cy Twombly et ses graffitis ancrés dans la mythologie), le parcours fait un détour par une installation funèbre de Christian Boltanski (Les Images noires) dont on ne sait si les cadres vides font le deuil de la peinture ou celui de la mémoire. La peinture, Yvon Lambert, en ancien « marchand de tableaux » tel qu’il se qualifie lui-même, y revient sans cesse. Tout comme d’ailleurs la plupart des artistes de sa collection.
Après le virage des années 1960, vient ainsi celui des années 1980 : il est séduit par la figuration libre incarnée par Robert Combas, prend le pari d’exposer les peintures-collages de Jean-Charles Blais, découvre Miquel Barceló (voir ill.) et voit une inspiration baroque dans les séries photographiques jugées scandaleuses d’Andres Serrano, qu’il compare aux grands maîtres du passé (Titien, Delacroix, Tintoret…). Il défend aussi le travail critique systématique de Daniel Buren, est fidèle au geste répétitif de Niele Toroni et aime intensément l’œuvre d’Anselm Kieffer – Cette Obscure Clarté qui tombe des étoiles, grande toile semée de graines de tournesol, constitue une des pièces phares de la collection. On peut encore citer son dernier coup de foudre pour l’artiste polymorphe David Horvitz, dont il continue à promouvoir les projets dans sa librairie parisienne et le final contemplatif avec une série quasi invisible de laques sur toiles de coton de Robert Ryman. La Collection Lambert consacre au peintre disparu en 2019 son deuxième Cahier (édité par Actes Sud), où l’on peut lire que, Untitled (Surface Veil) (1970), la petite huile sur fibre de verre avec cadre en papier et ruban adhésif, présente dans l’exposition, a été achetée en 1972. Une « véritable merveille »écrit Yvon Lambert, parmi celles qu’il n’a pas souhaité intégrer dans sa donation à l’État français.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°550 du 4 septembre 2020, avec le titre suivant : Collection Lambert, une sélection anniversaire