Art contemporain

Comment montrer l’odeur du parfum ?

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 8 novembre 2024 - 500 mots

La cité d’artistes Poush à Aubervilliers accueille une exposition courageuse sur la représentation des odeurs.

Anaïs Gauthier, Maintenance Soupir, 2024, vue de l'exposition Par la fumée à Pousch. © Romain Darnaud © Adagp Paris 2024
Anaïs Gauthier, Maintenance Soupir, 2024, vue de l'exposition « Par la fumée à Pousch ».
© Romain Darnaud
© Adagp Paris 2024

Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Depuis que les parfumeurs ont investi l’art contemporain, on ne compte plus les expositions sur l’univers du parfum. Pour autant, par leur nature même peu « expologique », il n’y en a quasiment pas sur les œuvres odorantes. Spécialiste du sujet, Sandra Barré affronte hardiment le sujet chez Poush, la plus grande résidence d’artistes d’Ile-de-France qui a pris ses quartiers temporaires justement dans une ancienne usine de parfum à Aubervilliers.

Le parcours se déploie dans une immense salle peu avenante qui est restée dans son jus, loin des cabinets intimes attendus pour ce propos. Dans un tel espace, les installations les plus spectaculaires attirent naturellement le regard, à l’instar de trois grands cœurs dégoulinants fixés sur un grand grillage. En s’approchant, on constate que ces formes sont constituées de plusieurs essences de cire laquelle en se consumant comme une bougie parfumée crée ces dégoulinures et exhale une odeur. Intitulée Veins, l’installation d’Antoine Renard (né en 1984) relève selon le cartel d’une symbolique mystique. Plus spectaculaire encore est la sculpture intitulée Maintenance Soupir (voir ill.) d’Anaïs Gauthier (née en 1991) figurant un mélange de pieuvre et de fleurs, animée d’un mouvement mécanique et ceint de plusieurs ballons de chimie diffusant une odeur de transpiration. Le cartel nous ramène au XIXe siècle en évoquant le dur labeur des ouvriers.

Alors que ces deux installations sont plastiquement intéressantes, ce n’est pas le cas de la couette blanche fixée au mur, ornée (!) d’auréoles suspectes et de gélules d’oméga 3. Le visiteur est invité à renifler les fluides corporels. Ce lointain souvenir de My Bed de Tracey Emin (née en 1963), par Anna de Castro Barbosa (née en 1995) laisse songeur.

Un champ de pavots ou de pipes à opium en céramique diffusant une odeur indéterminée (par méconnaissance ou nez enrhumé il est très difficile d’identifier la plupart des odeurs dans l’exposition), de l’artiste chinois Haonan He (né en 1994) bénéficie d’une petite pièce sombre. Pour classique qu’elle soit, cette sculpture rappelle que la qualité d’exécution est aussi importante que le propos. Tout aussi engageante est l’installation d’Emily McDermott (née en 1986), Bibliodor. Un bureau avec quelques fioles, une chaise, une bibliothèque pleine de flacons : l’artiste reconstitue l’univers du livre et invite le visiteur à s’asseoir pour sentir les différentes odeurs de la fabrication d’un livre. C’est simple, efficace, un peu académique.

Mais il n’y a pas que des œuvres olfactives. Sandra Barré tire le fil de deux autres registres : des œuvres évoquant l’univers du parfum, et d’autres, son caractère éphémère. Dans la première catégorie, on trouve des prototypes de flacons en grand format (Morgan Courtois né en 1988) et dans l’autre la vidéo Memento Mori de Clément Cogitore (né en 1983). La commissaire aurait gagné à ne pas s’aventurer sur le registre du fugace et rester dans ce qui fait tout l’intérêt de cette exposition expérimentale qui mérite une suite : comment montrer l’odeur du parfum.

Par la fumée,
jusqu’au 14 décembre, Poush, 153, avenue Jean-Jaurès, 93300 Aubervilliers.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°642 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Comment montrer l’odeur du parfum ?

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