Tirant ses exemples du XXe siècle, Sandra Barré montre comment l’œuvre qui fait appel à l’odeur peut en bouleverser la perception.
Avec cette citation, l’artiste syrien Hratch Arbach met en lumière une propriété du sens olfactif qui fait certainement sa singularité : contrairement à la lecture d’une image, d’un texte, ou même la réception d’une partition de musique, l’olfaction ne nécessite pas de médiation par l’intellect. En connexion directe avec la région du cerveau dévolue à nos souvenirs, ce sens mésestimé fait surgir les sensations, émotions et souvenirs avant même de les nommer.
Commissaire d’exposition indépendante et doctorante à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Sandra Barré prend pour point de départ de sa démonstration cette observation : l’odeur, dans l’appréhension de notre environnement comme dans le contexte de la création artistique, ne mobilise pas les mêmes mécanismes que la vue, l’ouïe ou le toucher. Dans son essai L’Odeur de l’art, la chercheuse se fonde sur un corpus d’œuvres odorantes qui ont fleuri au cours du XXe siècle, avec les futuristes, les surréalistes puis Joseph Beuys, sans toutefois faire de cette dimension olfactive un courant, un nouveau « -isme », ni considérer son usage comme un effet de mode. Ces œuvres, présentées comme des expériences isolées, apparaissent indifféremment sur tous les continents et dans tous les milieux artistiques, et sont plutôt le résultat des possibilités nouvelles d’un siècle qui s’ouvre à la création olfactive.
Pour Sandra Barré, le propos consiste à comprendre la façon dont ces initiatives désordonnées remettent en question, transforment, subvertissent ou même augmentent notre perception classiquement visuelle de l’art. En faisant de l’odeur la matière principale d’une œuvre, les artistes reconfigurent notre rapport au temps : le caractère éphémère d’une fragrance, tout comme sa réception, qui offre simultanément un ensemble de senteurs tout en se décomposant chronologiquement en « notes », nécessite une tout autre appréhension que l’image, permanente, dont la lecture peut se composer et se recomposer à l’envi.
Les expériences d’œuvres olfactives modifient également le rapport des visiteurs avec l’espace, la distance. En présence d’une odeur, notre premier réflexe n’est-il pas d’en chercher la source ? Aussi, si les arts visuels nécessitent de la part du regardeur une distance réglée entre lui et l’œuvre depuis laquelle il pourra saisir l’image offerte, l’odeur apparaît au visiteur en entrant directement dans son corps…
Abordant les principales questions que pose cette effraction olfactive dans le champ de l’art, l’essai de Sandra Barré peut parfois laisser le lecteur sur sa faim, comme dans ce développement sur le rapport entre mimésis et odeur, alléchant mais laissé en suspens. Mais il s’agit bien d’une introduction à une recherche en cours, qui trouvera avec certitude un écho : dans les musées, le patrimoine comme dans la création, l’olfactif est de plus en plus pris en compte.
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Un essai sur l’art olfactif
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°587 du 15 avril 2022, avec le titre suivant : Un essai sur l’art olfactif