Livre

Brigitte Leal : « Mondrian est devenu un des grands totems de la modernité »

Par Itzhak Goldberg · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 363 mots

Solitaire, enfermé dans une tour d’ivoire, indifférent à la réception de son œuvre ? Brigitte Leal, conservatrice du patrimoine et commissaire d’expositions, remet en question cette image d’Épinal de Piet Mondrian, dans une monographie richement illustrée, parue chez Citadelles & Mazenod.

Quel est le nouvel apport de votre ouvrage à la connaissance de l’œuvre de Piet Mondrian (1872-1944) ?

En français, en dehors de la monographie canonique, mais aujourd’hui datée, écrite par Michel Seuphor en 1956 et des travaux pointus des grands spécialistes comme Serge Lemoine et Yve-Alain Bois, il manquait une large synthèse éclairant le parcours si riche et si mouvementé d’un artiste encore mal aimé en France, un pays traditionnellement réticent à l’abstraction géométrique et pauvre en œuvres publiques du peintre.

Son abstraction géométrique radicale inspire-t-elle encore des artistes de nos jours ?

Après sa disparition en 1944 à New York, son œuvre et son influence ne vont plus jamais cesser de grandir, notamment aux États-Unis où ses structures orthogonales de plans de couleurs primaires vont être assimilées par les tenants de l’abstraction géométrique (Ellsworth Kelly) et de l’art minimal (Donald Judd). La portée illimitée du Néo-Plasticisme de Mondrian et ses dimensions utopiques martelées dans ses Écritsfrançais avaient tout pour fasciner les tenants de la fin du tableau, les partisans d’un art collectif universel. Devenu un des grands totems de la modernité, Mondrian a fait inévitablement à la fois l’objet de répliques réadaptant son esthétique efficace et de parodies désacralisant ses dogmes, comme celles de Mathieu Mercier ou de Sylvie Fleury.

Son œuvre fait-elle l’objet d’une récupération décorative ?

La fausse simplicité de la grille néo-plastique et ses couleurs claquantes emblématiques de la modernité ont été commercialisées à outrance sur toutes sortes de supports de mode et de design qui dénaturent la pensée et l’œuvre de Mondrian.La seule adaptation réussie reste celle conçue par Yves Saint Laurent en 1965 avec sa collection de robes en jersey, qui consacre l’alliance entre l’art et la mode, et la naissance du prêt-à-porter. Le couturier qui affirmait que ses robes étaient celles dont il était le plus fier car elles avaient fait connaître « un artiste […] qui est allé le plus loin dans la pureté. »

À LIRE
Brigitte Leal, « Mondrian »,
Citadelles & Mazenod, 2024, 384 p. + ill., 199 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Brigitte Leal : « Mondrian est devenu un des grands totems de la modernité »

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