Les senteurs de l’art

Sa co-commissaire – avec Sumiko Oé-Gottini –, Marie Ménestrier, directrice des lieux, souligne que l’exposition s’intéresse à « l’invisible », en écho à l’histoire de l’abbaye cistercienne. Les sous-sols de l’édifice et du parc contiennent en effet de nombreuses tombes de nonnes, qui ont livré lors de fouilles des objets servant aux décoctions et onguents à base de plantes. Des vases de type « coquemar », diffuseurs de parfums (XIVe siècle), dialoguent ainsi avec des céramiques contemporaines hybrides (Michèle Nadal), une vidéo hypnotique (Marie Amar) et une étrange sculpture organique (Daniela Busarello). Une subtile fumée d’un encens japonais créé sur une idée de Sumiko Oé-Gottini met le public en condition.

Les visiteurs avancent donc au milieu des effluves, que ce soit la cire d’abeille (peintures de Busarello), le clou de girofle et le santal (tentures de Julie C. Fortier) ou une plante des Pyrénées (Berdaguer & Péjus). Les sculptures odorantes de Morgan Courtois, en fin de parcours, libèrent des effluves d’agrumes pourris enchâssés sous de la résine, d’alcool froid et d’ammoniaque sur porcelaine, ou encore de fleurs fanées : les visiteurs peuvent ici renifler les œuvres, dont le parfum est réactivé régulièrement. La succession de parfums et de matières provoque finalement un léger déséquilibre sensoriel, que les commissaires rapprochent de la « synesthésie », ce trouble de la perception.