Lors d’un colloque organisé par l’ADAGP, les intervenants ont cherché des solutions pour un équilibre entre droit d’auteur et intelligence artificielle générative.
Paris. À l’occasion de son 70e anniversaire, l’ADAGP a organisé le 30 novembre à la Bibliothèque nationale de France-site François-Mitterrand un colloque intitulé « Parcours. L’œuvre d’art à la trace ». Parmi les sujets abordés figurait celui des défis posés par l’intelligence artificielle (IA) aux arts visuels. La question posée était : quelles solutions envisager pour établir un équilibre entre l’humain et la machine ?
La directive européenne 2019/790 sur le droit d’auteur est au cœur du problème. Elle « n’a pas anticipé ces nouvelles IA génératives qui peuvent produire en masse des créations à partir d’œuvres récupérées sur Internet », selon Frédéric Maupomé, auteur de bande dessinée. La directive prévoit en effet deux exceptions au consentement des auteurs pour permettre l’entraînement des systèmes d’IA. Ainsi, pour la recherche scientifique non lucrative menée par des organismes d’intérêt public, le consentement n’est pas requis (article 3). En revanche, concernant les activités commerciales, un mécanisme d’opt-out a été mis en place, ce qui signifie que les auteurs doivent indiquer explicitement leur opposition à l’utilisation de leurs œuvres. « Ce système d’opt-out ne convient pas au domaine des arts visuels, car les images en ligne sont facilement accessibles et téléchargeables par des robots d’exploration, sans restrictions techniques, dénonce Frédéric Maupomé. Je dois prouver pour chacune de mes œuvres que je suis le détenteur des droits. C’est parfois impossible. Et après 1 600 clics, je n’aurai exclu qu’une seule œuvre d’une seule base de données… mise à jour deux mois plus tard. »
Face à ce processus inutilisable, une première solution est proposée : un système d’opt-in, où seules les œuvres dont les auteurs ont expressément donné leur autorisation pourraient être utilisées par les IA, explique Alexandra Bensamoun, professeure de droit privé à l’université Paris-Saclay et animatrice de la table ronde. « Le droit d’auteur doit aller de pair avec la transparence », revendique l’universitaire. Les artistes doivent avoir accès à leurs propres données et œuvres utilisées dans la création de l’IA afin de s’assurer que leur autorisation a été correctement donnée et de protéger leurs droits en cas d’utilisation abusive. En somme, il convient d’appliquer des principes similaires à ceux du RGPD (règlement général sur la protection des données), en donnant aux artistes des droits tels que l’accès, la rectification, l’opposition et l’effacement.
« Il faut un cadre juridique clair et un contrôle pour s’assurer que les auteurs ont consenti et qu’ils sont rémunérés lorsque leur œuvre est exploitée par l’IA », affirme Anke Schierholz, présidente de la structure bruxelloise European Visual Artists (EVA), représentant les intérêts des organismes européens de gestion collective dans les arts visuels en Europe. Selon elle, les IA génératives ne sont pas créatives, elles reproduisent et copient. La directive de 2019 ne prévoit pas de rémunération obligatoire pour la fouilles de données, mais « l’instauration d’un mécanisme de compensation équitable spécifique aux IA génératives serait conforme à cette directive ainsi qu’aux conventions internationales sur les droits d’auteur ». Les organismes de gestion collective existants, comme l’ADAGP, pourraient être utilisés pour gérer ces rémunérations, et les métadonnées produites par les IA lors de la fouille de données permettraient des répartitions précises, indique Anke Schierholz.
« La question de la TVA est aussi très importante », ajoute Frédéric Maupomé. Les productions d’IA ne peuvent bénéficier du taux réduit de 5,5 %, sauf si elles sont accessoires à une œuvre originale. Concernant les œuvres composites, qui associent une production d’IA (œuvre « synthétique ») et une œuvre originale, elles doivent être soumises au taux normal de 20 % ou à une ventilation du taux selon les éléments. De plus, « les productions synthétiques ne sont pas reconnues comme des œuvres de l’esprit et les revenus tirés de leur exploitation ne peuvent être qualifiés de droits d’auteur ». Ainsi, le taux de TVA réduit à 10 % n’est pas applicable, sauf si la production synthétique est accessoire au résultat final.
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Les artistes inquiets face à l’intelligence artificielle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Les artistes inquiets face à l’intelligence artificielle